Les dompteurs du cirque blanc
Notice
Les dompteurs du cirque blanc, c'est 35 moniteurs de l'école de ski de Serre Chevalier dont le métier est présenté dans ce reportage. Comme l'explique Germain Cocco, directeur de l'école, la méthode d'apprentissage enseignée en France est très appréciée par les étrangers. Le double aspect entraînement/compétition est également important pour l'école de ski. Le reportage, par l'intermédiaire de Jules Melquiond, met en évidence les problèmes liés à la formation de moniteur de ski.
Éclairage
On parle dans les années 1970 de « l'âge d'or du ski ». Son terrain de jeu se nomme le cirque blanc, les moniteurs de ski y évoluent avec aisance. À la conquête des pentes, ces « seigneurs de la neige » (1), possèdent une science enviée et prodiguent un enseignement de qualité. Ce reportage du magazine Sports méditerranée diffusé le 10 janvier 1973 sur fond de musique entraînante (David Mc Williams « Days of Pearley Spencer » écrite en 1967), fait l'apologie de la technique et de la compétence des moniteurs de ski. Filmés dans la lumière, en pleine nature, ils transmettent une image d'efficacité et d'esthétisme et expriment un sentiment de plénitude et de liberté. « L'enseignement est entre de bonnes mains », rassure le journaliste.
La méthode du ski français est présentée comme la meilleure. Basée sur le virage aval qui a pris la suite du fameux christiania léger (2), elle puise ses sources dans les découvertes issues de la compétition. Émile Allais, champion du monde en 1937 à Chamonix, coopéra avec le capitaine de l'équipe de France Paul Gignoux pour mettre au point le christiania pur aval.
Avant-guerre, la Fédération Française de Ski a systématisé l'enseignement en une seule méthode. Les moniteurs du Ski Français ont été les premiers à réaliser l'unité de l'enseignement chez eux. Leur notoriété se trouve renforcée par la création de l'ENSA en 1943 (3). Créé le 13 novembre 1945, le SNMSF (4) favorise également leur reconnaissance avec pour objectifs d'organiser la profession de moniteur de ski, d'encourager le développement de l'activité en France, et d'enseigner la même méthode avec le même diplôme. Germain Cocco, interviewé dans le reportage, en est le deuxième président.
L'accession au diplôme de moniteur de ski est exigeante par le niveau technique demandé et la durée de la formation (5 ans). Tous passent par le même moule à l'ENSA, à Chamonix. Face à cette formation rigoureuse, Germain Cocco déplore le recours à des éducateurs sans diplôme pour encadrer des classes de neige alors en plein développement et initiant de nombreux jeunes, et ceci avec l'aval des inspecteurs d'académie.
La suprématie de la méthode française depuis les années 1930 est reconnue : championnats du monde à Portillo du Chili en 1966 où la France bat tous les records, Jeux Olympiques de Grenoble en 1968 avec la triple victoire de Jean-Claude Killy. Pourtant, des échecs de l'Équipe de France à Sapporo (Japon) en 1972 sont enregistrés. Avec seulement deux médailles, argent pour Danielle Debernard et bronze pour Florence Steurer, le ski français brille désormais par son absence aux places d'honneur (5).
Mais au journaliste qui se demande s'il y a osmose entre le ski d'enseignement et le ski de compétition, les démonstrations synchronisées des moniteurs dans la neige poudreuse répondent par l'affirmative de même que le discours sans équivoque de Germain Cocco, « cela n'altère en rien l'enseignement du ski ».
Grâce à de remarquables animateurs comme Gaston Cathiard, ancien directeur de l'École du Ski Français de Val d'Isère et président de l'association internationale des moniteurs de ski créée en 1971, la méthode se veut un modèle d'organisation pour les professionnels du monde entier. Des équipes de démonstrateurs sont envoyées à l'étranger dans le but de mettre en place un enseignement unifié. Seuls les Autrichiens se démarquent. Leur célèbre précurseur Hannes Schneider (1890-1955), créateur de la méthode de l'Arlberg (6), avait à son époque tracé une voie particulière.
Germain Cocco évoque les jeunes skieurs qui selon lui n'aiment pas le ski. Seraient-ils les précurseurs de nouvelles pratiques ? Le reportage, situé en 1973, se place à la charnière d'un changement de mentalité : l'effort que demande le ski alpin de compétition va être remplacé par le plaisir de la glisse sans contrainte. Dans un contexte de restrictions dues au choc pétrolier, il nous est offert un ballet enchanteur : l'art et la manière de dompter les éléments avant de dompter les élèves.
(1) Cités par l'écrivain moniteur guide Max Liotier.
(2) Le christiania léger, initié par un mouvement du haut du corps, et le virage aval dont l'impulsion part des jambes sont des éléments de techniques qui se sont succédés dans l'enseignement de la méthode française du ski.
(3) L'École Nationale de Ski et d'Alpinisme (ENSA) forme les professionnels aux métiers de la montagne et délivre les diplômes.
(4) Syndicat National des Moniteurs du Ski Français.
(5) Le milieu du ski explique ces « mauvais résultats » par ce qu'il a considéré comme la « décapitation » de l'Équipe de France, plusieurs leaders ayant été exclus.
(6) Hannes Schneider, Autrichien, professeur de ski alpin, codifie dans les années 1920 la méthode de l'Arlberg, basée sur le virage chasse-neige et le stem (ou stembogen).