Les problèmes de cohabitation entre randonneurs et pratiquants de 4x4
Notice
Les randonneurs amoureux de la nature se plaignent de la présence des pratiquants de 4x4 dans les sentiers forestiers. Quant aux pratiquants du 4x4, ils reconnaissent qu'il faudrait réglementer les secteurs pour randonneurs d'une part, et pour 4x4 d'autre part afin d'éviter les problèmes de cohabitation.
- Europe > France > Rhône-Alpes
Éclairage
Alors que les véhicules tout terrain ne représentent qu'une infime partie du parc automobile (environ 1% en 1991), leur présence de plus en plus visible assortie d'un nouveau marché en expansion suscite des réactions virulentes à la hauteur de l'effet clivant inhérent à ce type de véhicule. Sortant des usages traditionnels – utilitaire pour les ruraux ou les forestiers qui doivent atteindre des terres peu accessibles et surtout véhicule des baroudeurs qui parcourent les déserts – les 4X4 gagnent une clientèle d'urbains désireux de jouer aux aventuriers ou plus simplement de se démarquer grâce à un véhicule permettant de sortir des routes carrossables. Ils s'opposent sur le terrain et dans l'opinion aux randonneurs et aux défenseurs de l'environnement qui occupent une place majeure, toujours plus forte depuis la fin des années 70. Diffusé en fin de journal régional, entre Noël et le jour de l'an, période de vacances et d'information moins dense, ce reportage visiblement réalisé en été (tenue des randonneurs, végétation) revient sur un sujet qui nourrit les passions parmi les utilisateurs des mêmes territoires : « une rencontre qui tourne le plus souvent à l'aigre avec des positions inconciliables » selon les propos du journaliste Philippe Lemaire.
C'est par un clin d'œil appuyé aux meilleurs westerns-spaghettis de Sergio Léone que débute la présentation des postures antagonistes des deux camps. Démarrant sur la musique de Il était une fois dans l'ouest, filmant en contre-jour la façade d'une église suggérant que l'on se trouve dans un village de l'ouest américain, le journaliste Philippe Lemaire cible l'objet du conflit : les sentiers en forêt. Dans l'esprit du western la caméra zoome sur les « armes » des deux camps : chaussures de marche en cuir nouées par des lacets, (renvoyant à la tradition et à la qualité d'un équipement classique) et énorme roue de 4X4 marquant le sol d'empreintes profondes. Le reportage reprend ensuite une facture plus classique pour donner la parole aux deux parties.
Montré dans leur activité de prédilection, le groupe des randonneurs correspond aux pratiquants habituels : groupes familiaux ou amicaux mêlant les générations pour une activité accessible avec un équipement simple, dans le respect de l'environnement et la rencontre avec la nature. Ces randonneurs suivent les sentiers balisés par la Fédération Française de Randonnée qui, en 1978, a remplacé le Comité National des Sentiers de Grande Randonnée créé en 1947 à l'instigation de Jean Loiseau, un architecte issu du scoutisme qui a œuvré dès la fin de la Première Guerre mondiale avec le Touring Club de France pour le développement du tourisme pédestre. La création du comité entérine le terme de randonneur qui remplace celui d' « excursionniste », ces touristes qui, au 19ème siècle, découvraient à pied les nouveaux espaces, en même temps que les alpinistes parcouraient les hauts sommets. Dans les années 1980, la France entière est parcourue par ces sentiers dont le célèbre GR 5 qui relie les Pays Bas à la Méditerranée. Virulents, ces randonneurs le sont qui vitupèrent les 4X4 destructeurs de l'environnement avec les griefs habituels (dégradation des espaces, pollution de l'air, de l'eau, trouble de la quiétude) à l'encontre d'individus que le témoin interrogé traite « d'imbéciles » attestant du conflit majeur qui opposent les « paisibles » randonneurs aux propriétaires de 4X4. A cette date, cette catégorie est représentée par des véhicules volumineux et massifs, munis d' énormes « pare buffles » (pare-chocs), à la garde au sol élevée qui permet les franchissements et les parcours dans des terrains très accidentés. Le reportage montre un rassemblement de ces engins s'entraînant dans un terrain aménagé pour eux, en même temps que le témoin interrogé (vêtu d'une chemise au logo de Land Rover, une marque réputée en la matière) modère la critique de dégradation des espaces que les images, en arrière plan, contredisent.
Dans cette opposition loin d'être simplement verbale, les campagnes de défense de l'environnement et la montée en puissance de l'écologie ont conduit à une restriction de l'usage des 4X4 en dehors de routes carrossables, notamment dans les sentiers de pleine nature (1) (cf. l'arrêt préfectoral de Haute Savoie évoqué). Depuis, les taxes importantes adossées à ces véhicules ont limité le développement des gros engins et les marques se sont reconverties dans les SUV, (véhicule tout chemin, parfois avec 4 roues motrices), des breaks surélevés qui permettent à leurs conducteurs de gagner les stations enneigées et de parcourir des sentiers accidentés.
(1) La loi 91-2 du 3 janvier 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels vise à restreindre la circulation dans ces espaces. Elle pose le principe de l'interdiction de la circulation des véhicules à moteur dans les espaces naturels. Cette circulation n'est autorisée que sur les voies classées dans le domaine public routier de l'État, des départements et des communes, les chemins ruraux et les voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur. La charte de chaque parc naturel régional doit comporter un article établissant les règles de circulation des véhicules à moteur sur les voies et chemins de chaque commune adhérente du parc.