Mode à l'usine de Treize-Vents

03 décembre 1966
05m 16s
Réf. 00604

Notice

Résumé :
L'entreprise de vêtements Jaunet, à Treize-Vents, a été créée lors de la division d'une affaire entre 2 frères, l'un des deux conservant et développant, en volume et en chiffre d'affaires, la partie fabrication. Visite de l'usine de fabrication avec les explications du dirigeant qui alternent avec une présentation de mode en chansons.
Date de diffusion :
03 décembre 1966
Thèmes :
Lieux :

Éclairage

L’intérêt du reportage tourné dans le Haut-Bocage vendéen à Treize-Vents en 1966 réside dans l’illustration du dynamisme de l’industrie textile locale qui appartient à la nébuleuse du Choletais, la capitale de la confection de l’Ouest n’étant distante que de 17 km. On y retrouve l’un des ingrédients anciens de la réussite du modèle industriel original de cette région, à savoir ce que les historiens de l’économie appellent le « domestic system », le travail à façon pratiqué dans les fermes, en l’occurrence dans le présent exemple les activités de piquage et de couture. L’emploi de paysans pour des activités manufacturières à domicile remonte à l’époque moderne où il est présent dans des régions aussi différentes que l’Italie du Nord, la Suisse, la Franche-Comté, la Flandre ou l’Angleterre. Des donneurs d’ouvrages confient des matières premières à des paysans qui les travaillent lors de leurs temps morts (veillées, morte-saison en particulier dans les régions montagneuses), puis ils viennent les collecter dans les fermes avant de les revendre sur les marchés locaux et régionaux. Ce premier système de travail à domicile est appelé « putting out system », il devient plus complexe au XVIIIe siècle avec le démarrage de la Révolution industrielle et durant le XIXe siècle avec le véritable « domestic system » dont la production part à la conquête des marchés nationaux et même internationaux. Suivant le principe de la division du travail énoncé par David Ricardo, le travail à domicile se transforme progressivement : le donneur d’ordre ne délègue plus qu’une partie de la fabrication dans le monde rural et concentre l’étape finale de l’assemblage d’objets ou de la confection des vêtements dans de véritables usines afin de normaliser et de conférer une marque véritable aux réalisations.
Présentes depuis plusieurs siècles dans le monde rural de l’Ouest, l’industrie textile naît véritablement dans le Choletais dans la seconde moitié du XIXe siècle où elle présente l’originalité d’être encouragée par le clergé. En effet, afin d’éviter un exode de leurs ouailles, sur lesquelles ils estiment exercer une influence positive, vers les bassins industriels toujours suspectés d’encourager les « vices » (alcoolisme au cabaret, prostitution, violences intrafamiliales etc.), les prêtres de la région soutiennent les initiatives d’entrepreneurs textiles à s’implanter dans la campagne.
Si l’implication du clergé s’est estompée au fil des générations, la présence de l’industrie textile dans les Mauges a quant à elle perduré grâce, en particulier, à une modernisation constante. C’est d’ailleurs le sens à donner au reportage tourné chez Jaunet au milieu des années 1960 car il en apporte une démonstration éclatante. La société Jaunet est fondée dans les années 1930 par un négociant en tissus qui se lance dans la confection de linge de maison, puis les vêtements qui sont prioritairement écoulés dans l’Ouest. Le véritable décollage se produit après la Seconde guerre mondiale lorsque les fils du fondateur dédoublent l’entreprise familiale.
C’est ainsi que Jacques Jaunet crée la marque Newman après un voyage en Californie en 1967 en anticipant la mode du sportswear décontracté et s’il cède la nouvelle marque dès 1968, il continue les études de style.
Pour sa part, Gaston Jaunet fonde en 1963 la société Groupe équipe textile (GET) et lance au cours des années suivantes sa propre ligne de prêt-à-porter féminin et de vêtements pour enfants. L’épicentre de l’entreprise est constitué par l’usine de Treize-Vents dans laquelle le reportage est tourné. En 1966, le siège administratif et le dépôt sont établis à Cholet pour des raisons de commodité, tandis qu’un atelier est inauguré à Saint-Amand dans le nord des Deux-Sèvres. L’année suivante un nouvel atelier voir le jour à Combrand, toujours dans les Deux-Sèvres. L’usine-mère de Treize-Vents est agrandie en 1973, tandis que des ateliers secondaires spécialisés essaiment dans le bocage entre le Maine-et-Loire et la Vendée. C’est cette dissémination qui forge le concept de « nébuleuse du choletais », dans ces petites structures, les ouvrières issues du monde rural environnant sont heureuses de trouver un emploi à proximité de leur résidence familiale, elles sont tout juste payées au SMIG puis au SMIC (créée en 1970), ne sont pas syndiquées et acceptent sans rechigner les coups d’accordéon qu’impose la production d’articles textiles.
En 1974, l’entreprise passe sous le contrôle de la SA Guy Laroche qui appartient au groupe Bic ; seuls 3,80% du capital demeurent entre les mains de M. Rodes, le gendre de Gaston Jaunet, PDG de la SA GIM Gaston Jaunet et gérant de la SNC Gaston Jaunet diffusion. Les collections évoluent alors vers la production de prêt-à-porter féminin haut de gamme et le groupe Gaston Jaunet est transformé en « plate-forme » de fabrication d’une demi-douzaine de collections qu’il diffuse parfois également (Gaston Jaunet, C. Aujart, Lolita Lempicka, Tricosa, Thierry Mugler, Guy Laroche diffusion, Guy Laroche Sportswear, Guy Laroche boutique). L’entreprise va connaître son apogée entre 1975 et 1985 avant d’entamer un inexorable déclin imputable en partie au non-renouvellement de son style qui va entrer en décalage avec les attentes des consommatrices. L’effectif du groupe passe de 609 salariés au 31 décembre 1989 à 444 en 1996 au moment où le groupe Guy Laroche procède à sa liquidation.
Eric Kocher-Marboeuf

Transcription

(Bruit)
(Musique)
Intervenant 1
L’Entreprise Jaunet naît de la séparation de deux affaires, d’une affaire qui a été partagée entre deux frères ayant des tempéraments opposés, l’un conservant la partie traditionnelle de la fabrication, l’autre se lançant dans la création d’articles mode destinés aux teenagers et aux jeunes filles en particulier. Chacune des affaires ayant suivi une vie propre et une ascension propre particulièrement spectaculaire, puisque l’une comme l’autre a multiplié son chiffre d’affaires de façon tout à fait impressionnante.
Journaliste
C’est ça, il est évident que vous faites travailler ici, non seulement les personnes qui habitent Treize-Vents mais aussi beaucoup d’autres personnes dans les communes environnantes.
Intervenant 1
Oui, nous avons implanté des petits ateliers, si vous voulez, périphériques qui, faisant des opérations de piquages, c’est-à-dire des opérations de couture pure et simple, ont été implantés autour de Treize-Vents, centre nerveux et à la fois de création, d’impulsion, d’études de méthodes et de coupe, par exemple, destinés à alimenter ces petits ateliers. On pourrait évaluer à 8 ou 900 personnes l’effectif occupé directement ou indirectement par notre firme.
(Musique)
Intervenant 1
Nous sommes au magasin Vendée Première, magasin qui reçoit les tissus et qui est destiné à les traiter lors de la réception pour contrôler la conformité en métrage et en qualité, et en même temps, pour procéder à la mise à l’épreuve sous la vapeur du tissu. Là, nous opérons d’une façon somme toute classique dans notre profession, qui consiste à couper à la scie à ruban des pièces qui nécessitent une précision telle que les machines ordinaires ne permettraient pas de les atteindre et de les obtenir sans difficulté. À ce stade, nous faisons du surfilage, c’est-à-dire, nous essayons de prévenir l’effilochage au porter par une machine spéciale, une surfileuse, du type de celle que vous pouvez voir, et qui passe un fil sur le bord du tissu coupé pour éviter l’usure prématurée. Ces vêtements sont ensuite regroupés en buches et dirigés vers l’atelier de piquage. Ils progressent ensuite vers la presse où ils sont soumis à un repassage très sévère et sérieux, moyennant quoi, complètement terminés, ils sont ensuite dirigés vers le magasin d’expédition.
(Musique)
Intervenant 2
Je suis le créateur et le metteur en oeuvre du résultat du travail de l’équipe. Je m’entends par-là que nous avons une styliste, Madame Dubosq, qui nous apporte la mode de la Côte-d’Azur, et en même temps, les tendances de la mode parisienne et disons sur le plan européen et même national.
(Musique)