Interview du maire de La Roche-sur-Yon

19 novembre 1965
06m 03s
Réf. 00005

Notice

Résumé :
La Roche-sur-Yon vient de bénéficier des subventions distribuées par le Fonds d'Intervention pour l'Aménagement du Territoire (FIAT). Le maire, Paul Caillaud, nous présente les projets d'extension de la ville orientée vers la création de zones industrielles et le logement.
Date de diffusion :
19 novembre 1965
Personnalité(s) :

Éclairage

Pharmacien de profession, Paul Caillaud est élu maire de La Roche-sur-Yon lors des élections municipales de décembre 1961 à la tête d’une liste d’indépendants de droite. Le nouveau maire nourrit d’emblée de grandes ambitions pour le chef-lieu de la Vendée et convainc en 1964 les communes de Saint-André d’Ornay et de Bourg-sous-la-Roche de fusionner avec La Roche pour favoriser une expansion maîtrisée de l’agglomération. Le premier magistrat de La Roche/Yon entend mettre toutes les chances de son côté pour convaincre la jeune équipe de cette « administration de mission » qu’est alors la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) fondée en 1963 de la nécessité de soutenir les efforts de transformation de la première ville de Vendée.
Olivier Guichard, qui est alors le délégué l’aménagement du territoire, vient rendre visite à la préfecture de la Vendée en octobre 1964 pour faire le point sur les nombreux dossiers économiques et sociaux que doivent quotidiennement traiter le préfet et les élus locaux. Le représentant de l’Etat et les élus s’accordent à penser que le défi majeur à relever à l’échelon départemental est d’assurer des débouchés suffisants à une population en forte croissance. En effet, dans ce département de tradition catholique qu’est la Vendée, le taux de natalité est plus élevé que la moyenne nationale et la première génération de « Baby Boomers » nés à partir de la fin de la Seconde guerre mondiale a commencé à entrer massivement sur le marché local du travail alors même que l’agriculture connaît de fortes transformations et que l’exode rural s’intensifie année après année. Si l’on veut éviter une crise sociale sur place ou un trop fort mouvement de départs vers des bassins d’emplois déficitaires (comme la région parisienne ou les grandes villes de l’Ouest ligérien ou breton), il faut créer sur place les moyens de former une main-d’œuvre encore trop peu rompue au travail dans les secteurs d’avenir que sont l’industrie et les services.
Paul Caillaud entend faire profiter La Roche/Yon d’une partie du fort courant d’exode rural qui touche la Vendée depuis le début de la décennie 1960 en attirant dans la ville-préfecture un maximum d’activités nouvelles qui permettront aux jeunes Vendéens de continuer à habiter leur département en bénéficiant des bienfaits d’une ville de taille moyenne. Pour ce faire, le maire cherche à faire bénéficier sa ville de la prime de développement industriel (PDI) au taux de 12 %, une subvention octroyée par le Fonds interministériel pour l’aménagement du territoire dont les critères sont fixés en grande partie par la DATAR en liaison étroite avec les ministères concernés par les secteurs ciblés (logement, infrastructures, services publics, industrie, agriculture, éducation,...). Cette politique ambitieuse et volontariste de la municipalité yonnaise s’est d’ores et déjà traduite par la mise en vente de 15 ha de terrains destinés à accueillir des entreprises dans la zone industrielle (ZI) sud de la ville au prix réduit de 6 francs le m² avec un certain succès puisque plus de 700 emplois y ont été créés. Cependant, les ambitions affichées par Paul Caillaud sont plus vastes puisque la ZI doit atteindre 27 ha et qu’une seconde zone est en projet plus au nord sur l’axe routier conduisant à Nantes.
Dans le reportage, le maire de La Roche lie le développement industriel à la construction de 2000 logements destinés à accueillir 8000 habitants supplémentaires dans une zone d’aménagement urbanistique et n’oublie pas le volet culturel de la mutation de la ville en s’inscrivant dans l’ambitieuse politique alors déployées à travers le pays par le ministre de la Culture André Malraux à travers le réseau des Maisons de la Culture et la réhabilitation du centre historique autour de la place Napoléon. L’énergie et l’ambition déployées par Paul Caillaud vont lui permettre de conserver la confiance des Yonnais jusqu’en 1977.
Eric Kocher-Marboeuf

Transcription

Journaliste
La Roche-Sur-Yon, ville historique et carrefour géographique, connaît en ce moment un développement considérable. Monsieur le Maire, ce développement ne fera que s’accentuer puisque je crois que votre ville vient de recevoir une importante subvention du FIAT.
Paul Caillaud
Vous savez que dans les perspectives du cinquième plan, la Vendée fait partie de ces départements qui, à la différence de quelques autres dont le développement est assez amorcé pour n’avoir besoin que d’une politique d’accompagnement, la Vendée, dis-je, doit bénéficier d’une politique dite d’entraînement. En plus de, à l’intérieur même de ces départements qui, qui font l’objet d’une politique d’entraînement, le Fonds d’Intervention pour l’Aménagement du Territoire a désigné un certain nombre de villes qui peuvent bénéficier d’avantages particuliers. C’est ainsi que à la suite de la visite que Monsieur Olivier Guichard a faite à La Roche-sur-Yon l’année dernière, au mois d’octobre, il a été décidé par un comité interministériel qui s’est tenu en décembre 64 que La Roche-sur-Yon bénéficierait d’une intervention particulière destinée à ramener le prix du terrain industriel à 6 Francs le mètre carré.
Journaliste
Oui, justement, est-ce que votre ville dispose de réserves foncières suffisantes ?
Paul Caillaud
Eh bien, précisément, dans la zone sud, La Roche-sur-Yon possède déjà, si je ne me trompe, une quinzaine d’hectares qui sont susceptibles de bénéficier de cette prime particulière. Qui ne doit pas être considérée comme une subvention supplémentaire aux industriels, mais plutôt comme une subvention pour permettre à la ville de compenser, à ces villes de l’extrême ouest, de compenser leur désavantage de position.
Journaliste
Nous avons parlé de développement tout à l’heure, je voudrais vous demander où en sont les travaux qui sont entrepris dans cette zone industrielle.
Paul Caillaud
Eh bien, à l’heure actuelle, 27 hectares de la zone industrielle sud sont prévus dans le, dans ce secteur, dans la zone industrielle, bien. Mais 16 hectares sont donc, sont déjà construits. Voyez-vous, sur ces 16 hectares s’élèvent déjà une, une ou deux, deux usines de confection, occupant environ, près de 600 personnes. Une société de recherche et d’application des plastiques occupe également une cinquantaine de personnes, main d’oeuvre masculine. Il existe également une autre entreprise qui fabrique des bombes aérosol en acier, et également un atelier de menuiserie industrielle, et quelques, une entreprise également de boulangerie coopérative mais enfin, d’une autre nature. En plus de ces avantages, en plus de ces avantages particuliers, en quelque sorte, à la ville de La Roche-sur-Yon, les industriels qui veulent venir s’implanter dans les régions de l’extrême ouest bénéficient des avantages généraux, qui sont bien connus et qui sont impliqués en cette région, en particulier une prime dite de développement industriel de 12% pour les décentralisations ou les créations d’emplois, les créations d’entreprises plutôt ; et encore, une, des possibilités d’exonération de, d’exonération des frais de mutation, ce qui constitue quelque chose d’assez important. Il faut y ajouter la, les possibilités d’amortissements accélérés. Et aussi, à La Roche-sur-Yon, par suite d’une décision du conseil municipal, l’exonération de la patente pendant cinq ans.
Journaliste
L’industrialisation d’une ville ou d’une région comme La Roche-sur-Yon pose deux problèmes importants, la formation professionnelle et le logement. Est-ce que la municipalité les envisage, ces deux problèmes, avec réalisme, Monsieur le Maire ?
Paul Caillaud
Et bien sûr, elle y est bien contrainte. Vous savez que pour votre première question, vous savez qu’il existe à La Roche-sur-Yon un lycée technique qui est un des plus beaux de France, je crois, sans vouloir exagérer. Vous avez eu l’occasion de le voir, il est susceptible de recevoir un nombre important de jeunes, près de 1000. Mais par ailleurs, les problèmes du logement nous ont tellement préoccupés que nous avons actuellement à l’étude, et même à l’approbation, même approuvé par le Ministère de la Construction, le projet de construction d’une zone d’habitation de 80 hectares qui comportera environ 2000 logements susceptibles d’accueillir 8000 personnes. Je pense que en plus de ces problèmes de logement, il y a un problème d’animation de la ville qui est extrêmement important. Animation culturelle d’une part, et en créant un office social et culturel, la ville, de concert avec la Caisse d’Allocation Familiale, espère avoir apporté à ce point une contribution importante. Quant à l’animation, si je puis dire, tout court de la ville, un de nos prochains projets est une étude de la restructuration de l’ancienne ville, du Pentagone, des cinq boulevards napoléoniens, et tout particulièrement l’animation ou la réanimation de la place Napoléon ; ce qui sera une manière de rendre à notre fondateur l’hommage qu’il a bien mérité.
Journaliste
Monsieur le Maire, une dernière question, je crois que l’industrialisation de votre ville, de cette région est une affaire de vie ou de mort pour toute la région.
Paul Caillaud
Il est bien exact que dans un département de plus de 400000 habitants, le développement de La Roche-sur-Yon est quelque chose d’absolument capital. Si l’on songe que ce département a une démographie, démographie littéralement galopante, qui est incontestablement une des plus fortes de toute la France, si il est nécessaire que le chef-lieu, que la capitale de ce département réussisse enfin à réaliser la vocation que l’Empereur Napoléon lui avait explicitement donnée en la créant en 1804. C’est pour, non seulement pour La Roche-sur-Yon, mais pour toute la Vendée, je crois, et je pense qu’il n’est pas excessif de le dire, une question de vie ou de mort.