Les ex-voto à Cancale

23 septembre 1995
06m 51s
Réf. 00246

Notice

Résumé :

A la chapelle Notre Dame du Verger, les terre-neuvas cancalais se mettaient sous la protection de la Vierge, en lui offrant des ex-voto. Cette demande de grâce ou de remerciement perdure encore aujourd'hui. La foi en la Vierge reste vivace.

Type de média :
Date de diffusion :
23 septembre 1995
Source :
FR3 (Collection: Littoral )

Éclairage

Ce document met en scène la mémoire des terre-neuvas bretons. Cette pêche a disparu depuis les années 50 mais elle a durablement marqué les esprits des habitants de la côte nord, tant par l'activité qu'elle engendrait dans les ports que par le rythme de vie qu'elle imposait aux pêcheurs.

Au XVIe siècle, la découverte "des terres neuves" et de l'abondance de poissons que les marins y ont trouvés marque le début d'une formidable poussée dans l'Atlantique du Nord-Ouest qui durera jusqu'au XXe siècle. Les morutiers de France – des goélettes au XVIIIe et XIXe siècle, des chalutiers à vapeur au XXe - partaient au début du printemps pour arriver sur Terre-Neuve hors des glaces.

Deux techniques ont été employées : la pêche à la morue sèche ou pêche sédentaire, qui se faisait sur des chaloupes le long des côtes. Le poisson était alors débarqué tous les soirs sur la terre, afin d'être salé et mis à sécher ; et la pêche verte ou pêche errante - qui s'est imposée par la suite - se faisait à la ligne à partir de petits doris embarqués le temps du voyage sur le navire. Le poisson restait sur le bateau ou était porté à sécher dans des pêcheries.

Si au XVIIIe siècle, Le Havre , Fécamp, les Sables d'Olonne, La Rochelle, Le Havre et Bordeaux ont une belle activité morutière, au XIXe siècle ce sont les ports de la Manche qui prédominent : Dunkerque, Boulogne, Dieppe mais aussi Saint-Brieuc, Binic, Paimpol (pour l'Islande) et Cancale. Ce dernier port débute son activité tardivement mais entre 1885 et 1900 il verra partir 147 morutiers pour Terre-Neuve. L'activité cessera avant la Seconde Guerre mondiale. Entre les tempêtes, les brouillards et la proximité de la glace, cette pêche se révélait extrêmement dangereuse ; elle trouvait cependant toujours de la main d'œuvre car elle représentait un complément au travail de la terre pour une population rurale trop nombreuse. Cette activité a donc largement contribué à transformer les paysans bretons en pêcheurs puis plus tard en marins professionnels sillonnant, pour le commerce ou la "royale", tous les océans.

De nombreux pardons, fêtes et festivals rappellent cette dure aventure des mers, qui a été largement mythifiée par la littérature écrite et orale. Un pardon de la mer a encore lieu à Cancale chaque mois d'août.

Bibliographie :

- Robert de Loture, Histoire de la grande pêche de Terre-Neuve, Gallimard, 1949.

Martine Cocaud

Transcription

Violaine Dejoie-Robin
Mon père à moi avait disparu par 60 mètres de fond dans les eaux froides de Terre Neuve. La frêle embarcation s'était remplie d'eau glacée et alourdis par les sabots, bottes et le ciré, mon père et son second, un garçon de 22 ans, avaient coulé à pic. Une mort terrifiante dans la brume cotonneuse qui étouffe tout bruit sans témoin. 5 ans plus tard, ma petite soeur était emportée par une diphtérie. Entretemps, la santé de ma mère s'était dégradée. Je n'avais que 10 ans lorsqu'elle mourut. Le travail des champs ne m'inspirait guère, et déjà l'appel de la mer se faisait pressant. Je rêvais de bateau et de pêche. Le sort en était jeté, je serai Terre-neuva.
(Silence)
(Musique)
Inconnu
Il s'appelait Le Vaillant. Il y avait 70 hommes à bord, alors dans les parages des [incompris] flamands, ils, ils ont abordé un iceberg et, en pleine nuit. Ils sont restés 10 jours en mer, sans boire et sans manger et, ils se nourrissaient de glace et c'était ça qui a, qui les a fait mourir, et c'est chaud, ça brûle la glace. Mais mon père dit qu'il aurait encore pu rester une journée mais il sentait la vie s'en aller. Il en mourait tous les jours et ces hommes étaient jetés à la mer après avoir été dévêtus et ils se couvraient les rescapés de, de leurs vêtements. Euh, le dernier soir, il en mourut 7 la dernière journée, et il en restait 4, dont mon père, le mousse du Vaillant, et 2 autres hommes, qui avaient 18-19 ans. Alors euh, mon père, à ce moment là, dit : prions Saint Antoine, c'est mon chef de bordée, tout ce que je lui demande, il me l'accorde, et puis nous irons aux verger si, si on, si on nous recueille. Ils furent dans la nuit, le mousse qui, qui est, qui ne dormait pas, aperçut une lumière. Alors, de toutes leurs forces qui leur restaient, ils appelaient : au secours ! sauvez-nous, sauvez-nous ! Le bateau, c'était la Baie de Cancale, qui était commandé par un Cancalais qui, il relevait de la cape le bateau, il les recueillis et puis se dirigea vers Saint Pierre et Miquelon, pour l'hopi, pour les hospitaliser. Et à l'hôpital de Saint-Pierre, ils ont presque tous été amputés soit d'une jambe ou des deux, mon père il avait, il avait les talons gelés, il s'est toujours ressenti de ça. Alors comme promis, mon père et ma mère sont venus en voiture bien sûr puisqu'ils avaient du mal à marcher et ils sont, ils ont apporté cet ex-voto à la Vierge, pour la remercier.
(Silence)
Violaine Dejoie-Robin
3 jours avant le départ, ma grand-mère me dit : il faut aller demander la protection de Notre Dame du Verger. Le lendemain, ma grand-mère et moi traversions landes et sentiers en direction de la petite chapelle. Avant de commencer sa prière, ma grand-mère me souffla : Mets ta bougie et allume-la. Je m'exécutais et me recueillis. Lorsque j'eus fini de prier, je me levais et éteignis ma bougie que je récupérais. Qu'est-ce que tu fais ? Laisse la brûler. Non répondis-je. Je vais la ramasser, je finirai de la brûler devant elle, mais il faudra qu'elle me ramène ici. Ce pèlerinage à travers landes et sentiers respectait une tradition à laquelle depuis lors je n'ai jamais failli.
Inconnue
Il y avait messe tous les mercredi, il y a une messe à la chapelle, à la chapelle du Verger.
Inconnue 2
Encore maintenant ?
Inconnue
Ah oui c'est une tradition que, je ne sais pas si un jour elle s'éteindra mais...
Inconnue 2
La chapelle du Verger, c'est l'étendard du Cancalais presque. La chapelle du Verger, dès qu'il y a même quelque chose, alors que ce soit marin ou même autre chose, on va demander à Notre Dame du Verger. Et d'ailleurs les ex voto, il y en a plein, tout ça c'est reconnaissance pour les marins, pour les périls en mer, pour euh la maladie, pour tout ; l'ex voto c'est ça aussi.
Inconnue
Pour des examens reçus.
Inconnue 2
Notre Dame du Verger, elle est englobée dans tout.
Inconnue
Oui, à Cancale, c'est une tradition comme ça, on prie Notre Dame du Verger.
Inconnue 2
L'amour des Cancalais et des Cancalaises pour la Vierge, c'est un amour passionnel hein. Ah oui, ah oui, elle dépasse celle du Seigneur. Bon, c'est passionnel, il y a rien à faire.
(Musique)