Une femme de marin
Notice
Liliane Gloaguen est femme de marin de commerce. Sa vie et celle de ses enfants, est rythmée par les absences de son mari. Malgré cette forme de liberté, elle se doit d'être vertueuse et de faire exister son époux auprès de ses enfants.
Éclairage
La vie en mer, quand elle nécessite des départs de longue durée, est une activité exclusivement masculine, par conséquent les attributions données à chaque sexe dans les couples sont donc fortement tranchées.
Par ses propos, cette femme dessine dans un "nous" englobant une identité de femme de marins. Qu'en est-il ? Une enquête concernant des femmes de marins de Concarneau menée par la sociologue Yvonne Guichard-Claudic nous ouvre quelques pistes qui correspondent assez bien aux images du film.
Il semblerait que le milieu diffuse "une image idéale" de la femme de marin que de nombreuses épouses intègrent : si le mari pourvoit aux ressources, la femme doit pouvoir faire face à toutes les situations du quotidien. C'est elle qui assume la solitude et qui assure la continuité du foyer auprès de la famille mais aussi des instances institutionnelles (banque, école). Elle fait encore fonction de médiateur entre la terre et la mer, en faisant vivre, par le discours, le père absent auprès des enfants. Elle est également celle qui rassure l'homme par une attitude au-delà de tout soupçon. Ce qui pourrait être perçu comme des sacrifices dans un milieu autre que maritime est énoncé par la jeune femme comme un devoir librement consenti, mais aussi comme une preuve de force et de liberté. Il est vrai qu'une endogamie assez forte et réalisée dans un espace géographique restreint permettent aux femmes d'intégrer rapidement ce rôle tout en bénéficiant de solidarités familiales.
Cette identité de femmes de marin masque cependant des diversités qui sont à mettre en rapport avec la situation du conjoint. L'exemple montré dans le film correspond à celui des femmes de marins du commerce ou des pêcheurs thoniers par exemple. Ces derniers ont connu à la fin du XXe siècle une prospérité économique qui a certainement poussé les femmes à investir en priorité la sphère domestique puisque le salaire du mari le permettait. Par contre, les femmes des marins qui pratiquent la pêche côtière ne connaissent pas les longues absences et elles participent fréquemment à l'activité en vendant le poisson ou en assurant la gestion. De même les femmes des marins pêcheurs qui n'ont pas toujours des revenus réguliers occupent souvent un emploi qui amène un revenu d'appoint non négligeable. Elles sont alors autant ouvrières, comptables, enseignantes que femmes de marins. Rappelons que cette situation était majoritaire jusqu'aux années 50.
Sans remettre en cause l'intérêt et la sincérité du témoignage qui présente un aspect du milieu maritime, ce film véhicule une représentation trop générale et donc un peu stéréotypée des femmes de marins.
En savoir plus :
Yvonne Guichard-Claudic, Identités de femmes de marins. Le poids du statut d'épouse, Kreiz 5, 1995, p. 93-107.