Dury et Pont Noyelles : la bataille de la Somme de 1870
Notice
Évocation de la bataille de la Somme en novembre 1870 sur des gravures et des récits d'historiens. Le 25 novembre 1870, les Prussiens sont aux portes d'Amiens. La bataille d'Amiens sur la commune de Dury a lieu le 27.
Éclairage
Pendant les années 1860, la tension avait cru entre la France de Napoléon III et la Prusse. Les rapports franco-allemands avaient atteint un point critique lorsque le prince Leopold von Hohenzollern se porta, sur le conseil de Bismarck, candidat au trône vacant d'Espagne (2 juillet 1870). Après la dépêche d'Ems, jugée humiliante pour la France, le Corps législatif vote les crédits de guerre dans la nuit du 15 juillet. La guerre franco-prussienne est donc déclenchée à l'initiative de la France.
L'état des forces militaires révèle un déséquilibre favorable à l'Allemagne : 500 000 Allemands sous le commandement de Moltke, dont les plans sont prêts depuis 1866, s'opposent aux 265 000 Français dont l'état-major est incertain sur la conduite à tenir.
Au mois d'août, la France connaît plusieurs défaites, jusqu'à celle de Sedan (2 septembre) qui conduit à l'abdication de Napoléon III et à la proclamation de la République.
Le gouvernement provisoire prend le nom de "gouvernement de la Défense nationale", parce qu'il s'assigne comme mission prioritaire de sauver la patrie en danger, alors que les Prussiens organisent le siège de la capitale.
Si la guerre de siège s'enlise, les espoirs se reportent sur la guerre de mouvement que Gambetta organise en province, après avoir quitté Paris en ballon le 7 octobre et créé à Tours une délégation du gouvernement, qui sera transférée à Bordeaux le 9 décembre. Il ajoute à ses fonctions de ministre de l'Intérieur celles de ministre de la Guerre.
Gambetta se veut un nouveau Danton. La République chasserait l'ennemi du territoire comme elle l'avait fait 80 ans auparavant avec la victoire de Valmy. Il constitue plusieurs armées : une armée de la Loire, une armée du Nord, une armée de l'Est. Début novembre, l'Armée de la Loire remporte la bataille de Coulmiers (9 novembre) et reprend Orléans, qui avait été occupé par les Bavarois le 11 octobre, tandis que se forme une armée du Nord : pendant quelques semaines, la marche sur Paris paraît de nouveau envisageable, et avec elle l'espoir d'un renversement du cours de la guerre.
Mais, dès la fin du mois de novembre et le début du mois de décembre, cet espoir s'évanouit, notamment avec les défaites de l'Armée du Nord qu'évoque ce reportage.
Le préfet du Nord, Testelin, commissaire de la défense dans les départements du Nord à partir du 30 septembre, avait groupé autour d'Amiens, avec l'aide de son adjoint le général Farre, toutes les forces disponibles de la région. C'est ainsi que fut constitué le 22e corps, à partir d'éléments disparates (infanterie de ligne, bataillons de mobile...), dont Bourbaki vient prendre le commandement le 22 octobre. En désaccord avec le projet d'offensive et de marche contre les troupes du blocus de Paris avec une telle armée, qu'il souhaitait d'abord discipliner et militariser, Bourbaki est remplacé, le 19 novembre, par le général Faidherbe. En attendant l'arrivée de ce dernier, le commandement revient au général Farre. A cette date, l'armée du Nord compte trois brigades, fortes en tout de 26 bataillons, dont 15 de mobiles, et ayant avec elles 42 pièces. L'effectif général se monte à environ 23 000 hommes (1).
La chute de Metz, après la capitulation de Bazaine (27 octobre), avait rendu disponible une fraction de la Ière armée allemande qui s'était avancée par l'Oise et la Somme, entre Compiègne et Saint-Quentin. Cette force de 43 000 hommes et 180 bouches à feu, placée sous les ordres du général Manteuffel, avait ordre d'occuper Amiens, puis de se diriger vers Rouen. Il s'agissait d'accroître la zone protectrice du blocus de la capitale et de tenir les armées de province à bonne distance de celle-ci. Le 27 novembre, le Ier corps allemand inflige à Amiens une défaite aux trois brigades constituées du 22e corps. Comme mentionné dans le reportage, un des engagements a lieu à Dury, avec des troupes disparates. Selon le lieutenant-colonel Rousset, "à droite, près de Pont-de-Metz, étaient trois bataillons de mobiles du Gard ; entre ce village et la grande route, un bataillon du 43e, le 19e bataillon de chasseurs et deux compagnies de fusiliers marins ; enfin, de la route à l'extrême-gauche, se déployaient quatre bataillons de mobiles (Somme, Marne et Nord). En arrière, la garde nationale d'Amiens formait réserve. Quant à la batterie de 12, venant d'Arras et à peine débarquée, elle occupa l'épaulement qui coupait la route au nord de Dury ; elle fut bientôt renforcée par une batterie de 4 de la garde nationale" (2). Les troupes françaises résistent bien lors de ce combat de Dury, même si les Allemands parviennent à prendre le cimetière.
Mais les Français décident de l'évacuation d'Amiens et se dirigent sur Arras. Les Allemands prennent possession de la ville-préfecture et s'assurent d'un point essentiel sur le cours de la Somme.
Après la prise d'Amiens, Moltke donne l'ordre à la Ière armée de pousser jusqu'à Rouen, afin de dissiper les rassemblements de troupes françaises qui occupaient la Normandie. Après la prise de Rouen, le 5 décembre, les Allemands prévoient de marcher sur Le Havre. Mais Faidherbe, arrivé à Arras début décembre, avait hâté la réorganisation de l'armée, obtenu sa séparation en deux corps, et disposait de 43 000 hommes. Son objectif était d'entraver la progression allemande sur Le Havre et de reprendre Amiens. Le 9, après un coup de main réussi sur Ham, il se dirige vers cette ville qu'il réoccupe un court moment. Le 23 décembre, le commandement allemand décide donc d'attaquer les positions françaises au nord-est d'Amiens, à Pont-Noyelles. La bataille, appelée aussi bataille de l'Hallue, est tactiquement indécise, mais Faidherbe, "reconnaissant l'impossibilité matérielle de rester en position par [une] température glaciale, sans pain, sans vêtements et sans feu, et apprenant que des renforts importants arrivaient à son adversaire" (3), préfère donner l'ordre de retraite vers le nord, laissant un millier de tués et de blessés, un millier de disparus et quelques centaines de prisonniers. Amiens est définitivement perdu et les Allemands peuvent commencer l'investissement de Péronne (4).
Après les échecs du début du mois de décembre, les armées de la République traversent une crise qui se prolonge jusqu'à la fin du conflit, amplifiée par une nouvelle série de défaites en janvier 1871. Un armistice est décidé le 28 janvier. Des élections à l'Assemblée nationale sont organisées le 8 février, qui prennent l'allure d'un référendum pour la paix ou la poursuite de la guerre, et les préliminaires de paix sont signés à Versailles le 26. Le traité de Francfort du 10 mai 1871 met fin à la guerre franco-prussienne.
Dans les années 1870, des monuments sont érigés pour commémorer des batailles de la guerre franco-prussienne, comme le monument de Dury ou celui de Pont-Noyelles, réalisé par Edmond Duthoit et inauguré le 4 mai 1873. Le combat de Pont-Noyelles est aussi représenté sur le bas-relief de la statue de Faidherbe à Lille.
(1) Lieutenant-colonel Rousset, Histoire générale de la guerre franco-allemande (1870-1871), Paris, Tallandier, t. II, sd, p. 187.
(2) Ibid., p. 197.
(3) Ibid., p. 221.
(4) Stéphane Audoin-Rouzeau, 1870, la France dans la guerre, Paris, Armand Colin, 1989, p. 241-242.