Ouverture d'un musée à la maison natale de Condorcet
Notice
Robert Badinter ancien ministre de la Justice est venu inaugurer le musée Condorcet, situé dans maison natale du philosophe et mathématicien, à Ribemont dans l'Aisne, en présence des députés Jean-Pierre Balligand et Jacques Pelletier et du maire Michel Potelet. Condorcet a considérablement influencé le parcours politique de Robert Badinter qui lui a consacré un ouvrage.
Éclairage
Mathématicien, philosophe, homme politique et révolutionnaire français, Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat de Condorcet (1743-1794) est connu pour ses travaux mathématiques, notamment sur le calcul intégral et les probabilités, pour sa collaboration avec Turgot qui le nomme en 1775 inspecteur général de la Monnaie, pour ses relations avec Voltaire et D'Alembert dont il fut l'exécuteur testamentaire, pour ses combats contre l'esclavage des Noirs, pour ses arguments en faveur de "l'admission des femmes au droit de cité", pour son Rapport sur l'instruction publique de 1792. Est connue aussi sa collaboration au Projet de constitution présenté à la Convention en février 1793 et sa protestation contre la Constitution jacobine du 24 juin 1793 qui lui valut un décret d'arrestation, à la suite duquel il se cacha pour écrire l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain avant d'être arrêté puis trouvé mort dans sa cellule le 8 germinal An II.
Condorcet était né à Ribemont (Aisne) le 17 septembre 1743 et il est célébré dans sa commune natale, où l'on peut voire, face à l'Hôtel de Ville, une statue inaugurée en 1947. Le reportage a été diffusé à l'occasion de l'inauguration, le 4 mai 2001, de la rénovation du musée de Ribemont. Celui-ci est situé dans la maison natale de Condorcet, construite au début du XVIIIe siècle par son grand-père maternel, où il a été élevé et où il est revenu jusqu'en 1775 pour voir sa mère, jusqu'à ce qu'elle accepte de s'installer chez lui à Paris. C'était un modeste hôtel particulier composé de deux grandes pièces sur rue et d'une petite salle à manger avec porte-fenêtre donnant sur une petite cour. Au premier étage, deux grandes pièces et trois petites ; dans le grenier, plusieurs mansardes. La cour était bordée d'une écurie et, au-delà, se trouvait un petit jardin donnant sur les remparts. La maison est ainsi décrite au XIXe siècle : « La salle à manger, dallée noir et blanc, était entourée de boiseries peintes où des placards d'encoignure, cintrés, renflés, incurvés à nouveau, répétaient les épaisses moulures... Le soleil faisait resplendir au plafond la tour des Gaudry, le blason des Condorcet ornant ses angles et les dessus de portes, peints par Oudry. Le salon et la chambre vis-à-vis groupaient, au-dessus de chaque entrée, de longues femmes grasses, des enfants rondouillards traités en camaïeu, signés Boucher » (1).
Cette maison, achetée à la fin du XIXe siècle par le romancier naturaliste Léon Hennique, est restée propriété privée jusqu'en 1989, date de son acquisition par la commune de Ribemont, qui l'ouvre en l'état de 1994 à 1998, puis la restaure à la fin du XXe siècle avant une nouvelle ouverture au public. Elle accueille un musée sur les grands hommes de la ville, Condorcet, mais aussi Nicolas Blondel, l'auteur de la porte Saint-Denis à Paris, ou Léon Hennique.
C'est l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter qui a inauguré en 2001 la maison rénovée, en présence de personnalités politiques du département, dont les parlementaires Jean-Pierre Balligand et Jacques Pelletier et le maire de Ribémont Michel Potelet. Robert Badinter avait en effet publié, en 1988, avec son épouse Elisabeth, une biographie de Condorcet. Dans le reportage, lui qui fit voter, en 1981, l'abolition de la peine de mort souligne combien Condorcet fut, en la matière, un précurseur. Condorcet avait déjà défendu l'abolition dans un ouvrage de 1785 Probabilité des jugements rendus à la pluralité des voix et dans la correspondance qui suivit avec le roi de Prusse. En 1792, il écrit que la peine capitale est fatalement "injuste toutes les fois qu'elle est appliquée à un coupable qui peut être gardé sans danger pour la société". Le 16 janvier 1793, il refuse de voter la mort du roi : "La peine contre les conspirateurs est la mort. Mais cette peine est contre mes principes. Je ne la voterai jamais". Trois jours plus tard, il propose que la France se place à l'avant-garde de l'humanité en abolissant l'échafaud : "Lorsque j'ai vu mes collègues monter à la tribune pour prononcer leur vote, j'en ai vu plusieurs, parmi les patriotes les plus fermes, ne prononcer la peine de mort qu'en gémissant. Eh bien, abolissez la peine de mort pour les délits privés en vous réservant d'examiner s'il faut la conserver pour les délits contre l'État, parce qu'ici les questions sont différentes". Le 15 février suivant, un article sur l'abolition de la peine de mort figure dans le projet de constitution auquel il a contribué : "la peine de mort est abolie pour tous les délits privés" (2).
La maison natale de Condorcet à Ribemont a reçu en 2012 le label « Maison des illustres ».
(1) Cité par Elisabeth et Robert Badinter, Condorcet (1743-1794), un intellectuel en politique, Fayard, 1988, p. 16.
(2) Jean-Yves Le Naour, Histoire de l'abolition de la peine de mort, Perrin, 2011, p. 62-64.