Utilisation des premiers chars à Pozières pendant la bataille de la Somme

15 septembre 1916
02m 28s
Réf. 00423

Notice

Résumé :

C'est de Pozières que partirent le 15 septembre 1916 les premiers chars d'assaut. On n'en avait jamais utilisé auparavant. Sur des images et photos d'archives, Frédérick Hadley de l'Historial de Péronne explique qu'ils s'embourbent, tombent dans les tranchées et avancent très lentement. Pourtant, le 15 septembre à Flers, l'arrivé de l'engin galvanise la troupe anglaise. On peut voir au mémorial de Péronne les premières armes antichar qui déboîtaient l'épaule du tireur.

Date de diffusion :
23 juin 2006
Date d'événement :
15 septembre 1916
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

La Première Guerre mondiale voit la naissance et le développement de l'arme blindée. Grâce à Churchill, convaincu par le lieutenant-colonel Ernest Swinton, la marine britannique s'engage dans la fabrication de chars, alors que le War Office marque peu d'intérêt pour cette invention. Dès avril 1916, la production des premiers Mark I commence sous le nom de code de "water tanks". Leur fabrication est orientée par les services techniques de la Royal Navy. Les servants forment des " équipages" de 8 hommes, le char est équipé de "tourelles", il dispose d'une"coque" et le Mark I bénéficie même d'un gouvernail à l'arrière (1).

C'est le 15 septembre 1916 que ces Mark I entrent en service sur la Somme : ils appuient l'attaque du général Horne sur Ginchy et Flers. Cette utilisation prématurée n'avait pas été désirée par Swinton et Churchill qui escomptaient l'effet de surprise provoqué par l'apparition simultanée sur le champ de bataille d'un grand nombre de chars. Or, sur 150 engins construits, moins de 60 sont présents sur le front de France et 49 seulement peuvent être engagés. Mais Haig et le Commandement britannique avaient besoin de ranimer une avance trop lente et pensaient donc expérimenter ce nouveau moyen d'action (2).

Insuffisamment testés et conduits par des équipages sous-entraînés, ces chars connaissent des pertes voisines de 50 %. Le résultat tactique est très faible, malgré certains succès ponctuels, comme celui remporté par le char n°16 du lieutenant Hasties qui entre dans Flers et en chasse les Allemands. Les soldats qui découvrent l'utilisation du char sont pourtant impressionnés, comme le montre le récit du caporal Gale, 7/King's Royal Rifle Corps : "Les tanks apparurent, l'un sur notre front, l'autre un peu plus loin. Nous étions tous absolument abasourdis. Nous ne savions quoi penser. Nous ne savions pas ce que c'était parce que l'on nous avait rien dit à leur sujet. C'était une vision stupéfiante. Ils arrivèrent juste devant nous, tournèrent et se dirigèrent droit sur les lignes allemandes. Le réseau de barbelés avait été bien détruit par notre artillerie mais les tanks retournaient ce qui restait et en écrasèrent les morceaux. Les Allemands, paniqués, fuient comme des lapins" (3). Un historique régimentaire allemand note que "l'arrivée des tanks... a eu le plus écrasant effet sur les hommes. Ils se sentaient tout à fait impuissants face à ces monstres" (4).

Les Allemands vont essayer de trouver des parades contre les chars, comme le fusil anti-char, Tankgewehr, dont un exemplaire conservé à l'Historial de Péronne est présenté dans le reportage par Frédérick Hadley.

Churchill jugea sévèrement l'attaque sur Flers. Alors que les 49 chars auraient dû être employés en masse sur un seul secteur du front pour réaliser la percée, 18 seulement sont opérationnels au matin de l'assaut et 5 sont mis en œuvre sur Flers. Mais les limites de ce premier engagement n'entravent pas le développement de l'arme blindée, utilisée en 1917 par les Français lors de la bataille au Berry-au-Bac et par les Anglais lors de la bataille de Cambrai. La première bataille de chars de l'histoire a lieu à Villers-Bretonneux le 24 avril 1918, opposant trois chars britanniques Mark IV et un char allemand A7V. La question de l'armée blindée sera au cœur des discussions militaires dans l'entre-deux-guerres.

Un monument aux officiers, sous-officiers et soldats britanniques ayant servi dans les chars et tombés en 1916, 1917 et 1918 est érigé à Pozières, à la sortie du village, dans le sens Albert-Bapaume. On le voit au début du reportage.

(1) Stéphane Audoin-Rouzeau, « Avions et chars » dans Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker (sous la direction de), Encyclopédie de la Grande Guerre, Paris, Perrin, 2012, t. I, p. 342-343.

(2) Capitaine Dutil, Les chars d'assaut, leur création et leur rôle pendant la guerre 1915-1918, Paris, Berger-Levrault, 1919, p. 22.

(3) Cité par Alain Denizot, La bataille de la Somme, Paris, Perrin, 2006, p. 133.

(4) Cité par John Harris, The Somme, Death of a Generation, Zenith Books, 1966, p. 113.

Philippe Nivet

Transcription

Marie Roussel
Nouvelle halte dans notre parcours du souvenir sur les hauts lieux de la Bataille de la Somme. Nous allons, ce soir, à Pozières. C’est de ce village que partirent, le 15 septembre 1916, les tous premiers tanks. On n’en avait jamais utilisé auparavant. Reportage de Dominique Patinec et Benoit Henrion.
Dominique Patinec
C’est un monument tout simple, à la sortie de Pozières. Les automobilistes qui filent vers Bapeaume ou Albert ne le remarquent même pas. Et pourtant, il perpétue le souvenir d’un tournant. Le 15 septembre 1916, les chars d’assaut participaient pour la première fois à un combat lancé à la vitesse diabolique de 6 km/h.
Frédérick Hadley
Les chars s’embourbent dans la boue de la Somme, tombent dans les tranchées abandonnées et n’avancent, finalement, que très lentement. Ils seront souvent dépassés par l’infanterie qui prendra les premières lignes sans avoir besoin d’eux. Mais un Canadien rapportera cette anecdote que les chars vont impressionner les Allemands et un officier allemand dira même : « Ce n’est plus la guerre. C’est une foutue boucherie ».
Dominique Patinec
49 chars ont été transportés de l’Angleterre vers la France. La moitié tombe en panne avant la bataille. Les autres sont répartis sur le front avec plus ou moins de bonheur. Nous voici à Flers, village raflé grâce à un tank qui passait par là.
Frédérick Hadley
En voyant ce char visiblement invincible qui résiste aux shrapnels allemands, qui résiste aux mitrailleuses qui sont cachées dans les caves bétonnées du village, cela va redonner du moral aux troupes britanniques qui vont spontanément se ruer à l’assaut du village.
Dominique Patinec
Les Allemands tentent des parades parfois fantaisistes. Dans la collection de l'Historial, à Péronne, trône un fusil anti-char très vite abandonné. Il mettait son tireur hors de combat en lui déboitant l’épaule.
Frédérick Hadley
C’est un fusil classique dont la taille a été multipliée par 2,5. Il tire ce type de munition qui va transpercer le blindage du char. Et on sait maintenant que certaines balles étaient vides et contenaient, à l’intérieur, du gaz qui se répandait ensuite à l’intérieur du char.
Dominique Patinec
Les Allemands se convertissent trop tard à la nouvelle arme. Leurs chars, fabriqués au compte-goutte, embarquent 18 hommes d’équipage. Ils ne sauront rivaliser. Les tanks ont vécu leur baptême du feu à Pozières. Bientôt, ils deviendront la première arme des batailles.