Les 10 ans du TGV nord
Notice
Le 18 mai 1993 était inaugurée la ligne TGV nord qui reliait Paris à Calais en passant par Lille. Une avancée dans le développement des liaisons transmanche mais un camouflet pour tous les partisans du passage du TGV par Amiens. Pendant plusieurs années, des élus de tous bords et une partie de la population se sont fortement mobilisés pour réclamer sans succès le passage du train à grande vitesse par Amiens. Dix ans après, le débat continue pour Joseph Gouranton de l'Association TGV Amiens-Picardie-Normandie ou le député Maxime Gremetz avec comme un atout, l'ancien député maire d'Amiens, Gilles de Robien, désormais ministre des transports.
- Europe > France > Picardie > Somme > Ablaincourt-Pressoir
Éclairage
L'insertion dans l'espace national et européen est un enjeu capital pour le développement de la Picardie et l'affirmation d'Amiens comme grande métropole régionale. Au cœur d'un triangle Paris-Londres-Bruxelles, la région est traversée par de grands axes européens et a parfois le sentiment d'un certain enclavement, l'Autoroute A1 (Paris-Lille) et la Ligne grande vitesse du Nord évitant Amiens.
A partir du milieu des années 1980, les élus de tous bords font front commun pour obtenir le passage du TGV Nord par Amiens, en concurrence avec Lille sur ce dossier mais alliée à la Normandie. Un tracé par Amiens, puis Calais, a l'avantage de raccourcir le trajet Paris-Londres via le tunnel sous la Manche, dont le projet de construction est officialisé en juillet 1987. L'association TGV Amiens-Picardie-Normandie orchestrent de nombreuses manifestations, auxquelles participent côte à côte les députés Gilles de Robien (UDF), Maxime Gremetz (PCF), Jacques Fleury (PS), Jean-Claude Dessein (PS) et le maire d'Amiens René Lamps (PCF). Celle du 6 novembre 1987 prend une tournure dramatique avec une altercation entre des CRS et des militants de la CGT, qui fit un mort (le syndicaliste Lucien Barbier). En mars 1988, Max Lejeune et Gilles de Robien, entre autres, sont reçus à Matignon par Jacques Chirac, en vain. Le passage par Lille et ses connexions vers l'Europe du Nord et de l'Est est finalement l'option choisie. Le tracé définitif prévoit une gare à mi-chemin entre Amiens et Saint-Quentin, à Ablaincourt-Pressoir – la fameuse "gare aux betteraves" – en parallèle avec l'autoroute A1. La LGV Paris-Lille est inaugurée en 1993.
A cette date, Gilles de Robien, député-maire centriste d'Amiens – élu aux législatives de 1986 et aux municipales de 1989 – décide d'engager une charte de négociation avec les maires de Saint-Quentin, Beauvais et Abbeville, Daniel Le Meur (PCF), Walter Amsallem (PS) et Jacques Becq (PS). Cette hiérarchie urbaine régionale assez équilibrée a en effet favorisé les luttes de pouvoir, d'autant plus quand les municipalités étaient gérées par des élus de bords politiques opposés. La localisation de l'A1 et de la LGV-Nord résulte partiellement de cette concurrence. Le but de la charte de coopération de 1993 est de créer une sorte de lobby picard souhaitant peser sur les aménagements à réaliser dans le cadre du grand Bassin parisien et dans le contexte de la révision du schéma directeur de l'Ile-de-France. Gilles de Robien est à l'époque une figure politique incontournable en Picardie et une figure nationale de l'UDF : il est député-maire d'Amiens (jusqu'en 2002 et en 2007-2008) et vice-président de l'Assemblée nationale. En 2002, directeur de campagne de François Bayrou lors de l'élection présidentielle, il entre dans le gouvernement Raffarin comme Ministre de l'Équipement et des Transports. A ce poste – qu'il conserve jusqu'en 2005, date à laquelle il hérite du portefeuille de l'Éducation nationale – l'ancien maire, qui a considérablement modernisé Amiens dans les années 1990, tente de relancer le projet de TGV Paris-Londres par Amiens, dix ans après l'inauguration du TGV Paris-Lille. Par ailleurs, il opte pour l'accroissement des capacités de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, abandonnant ainsi l'idée d'implanter le troisième aéroport parisien à Chaulnes (Somme), sur le site initialement évoqué en 1992 pour la construction de la gare TGV Haute-Picardie.
En 2020, Amiens et la Picardie devraient être reliés au réseau du TGV et à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle grâce au barreau ferroviaire Creil-Roissy (7 kilomètres) entre la ligne classique (Amiens-Paris) et celle à grande vitesse (Paris-Lille). Ce tronçon permettra une amélioration de la desserte des villes picardes (renforcement du réseau TER), la connexion de la région aux grandes métropoles nationales sans passer par Paris-Nord grâce au TGV, et au monde via le hub de Roissy.