Présentation du film "Peau d'Âne" tourné en partie au château de Pierrefonds
Notice
A l'occasion de la présentation à Lille du film Peau d'Âne, Jacques Demy, le réalisateur et Catherine Deneuve, principale interprète, sont interviewés. L'entretien se termine par des séquences de tournage des dernières scènes du film au château de Pierrefonds avec Jean Marais et Delphine Seyrig.
- Europe > France > Picardie > Oise > Pierrefonds
Éclairage
Ce reportage est diffusé le 23/12/1970, quelques jours après la sortie de Peau d'Âne sur les écrans français. Comme le soulignent Jacques Demy et Catherine Deneuve, le contexte des fêtes de fin d'année est propice à la sortie d'un film féérique. Ils ne se trompaient pas. Avec plus de deux millions d'entrées, le film se classe au 13ème rang du box office de l'année.
Pour ce sixième long métrage, Jacques Demy revient des États-Unis où il avait envisagé de faire le film avec Walt Disney. Des États-Unis, il ramène le souhait de se dégager du bon goût normatif français et sera très attaché à la conception esthétique du film. Il s'installe à Noirmoutier pour l'écriture du film, en compagnie d'Agostino Pace, le costumier. Celui-ci explique dans un entretien le travail mené sur les couleurs (en attribuant à chaque château sa couleur), mais revient aussi sur l'inspiration permanente qu'a été le film de Jean Cocteau, La Belle et la bête également tourné en région Picardie dans le château de Raray.
Le tournage de Peau d'Âne démarre le 1er juin 1970.
Plusieurs châteaux sont investis, essentiellement les châteaux de la Loire : château de Chambord (château rouge) et château du Plessis-Bourré (château bleu). Mais pour la scène finale, c'est le château de Pierrefonds en Picardie, qui est choisi. Il faut préciser ici que le département de l'Oise est apprécié pour les tournages de films historiques. A proximité des studios parisiens, il propose de nombreux châteaux et la ville de Senlis est particulièrement connue pour ses ruelles médiévales, places, monuments historiques et hôtels particuliers. Le château de Pierrefonds a notamment servi de décor aux films Le Bossu d'André Hunnebelle (1959), Les visiteurs de Jean-Marie Poiré (1993) ou encore Jeanne d'Arc de Luc Besson (1999). Il offre un bel écrin au travail de Jacques Demy. Démantelé au XVIIe siècle et recréé au XIXe siècle par l'architecte Viollet-le-Duc, ce château propose une interprétation du Moyen Âge et de la Renaissance, tout comme Jacques Demy nous propose dans ce long-métrage, sa mise en scène des contes qu'il construit entre réalisme et merveilleux.
Merveilleux pour le conte, dans le sens où il se distingue du fantastique : la puissance magique ne doit pas heurter la réalité. Réalisme car il nous offre une vision assez juste de la réalité sociale du XVIIe siècle (la scène d'essayage de la bague déroule cette organisation de la société : des princesses aux souillons), tout en restant attentif aux détails concrets réels. Quand la fée (admirablement interprétée par Delphine Seyrig) confie sa baguette magique à Peau d'Âne, elle ne manque pas de lui préciser qu'elle en a une de rechange.
Puis dans la scène finale, au château de Pierrefonds, il fusionne réalisme et merveilleux dans cet anachronisme génial et inoubliable : l'arrivée de la fée et du père de Peau d'Âne en hélicoptère.
L'articulation du réalisme et du merveilleux est également une caractéristique du travail de Jean Cocteau, tout comme la question de la réécriture du mythe. Jacques Demy le dit dans ce reportage : "Je crois en la permanence des contes". Cette mise en image de Peau d'Âne n'est qu'une étape, parmi d'autres, d'une histoire immortelle, aux formes successives différentes. Jacques Demy y apporte sa contribution.
Enfin, à la question du journaliste sur sa capacité à garder la poésie du conte, la réponse de Jacques Demy témoigne de sa modestie. Il déplace son propos sur Catherine Deneuve, en capacité de porter cette poésie. On connaît les liens cinématographiques qui les unissent. Il la révèle dans Les Parapluies de Cherbourg en 1964 et ils tourneront ensuite, en plus de Peau d'Âne, Les Demoiselles de Rochefort (1966) et L'Evénement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune (1973).
Mais puisqu'il s'agit de poésie, il faut surtout ici relever celle d'un cinéaste hors du commun dont le chemin personnel dans le cinéma français n'a cessé d'(en)chanter ses spectateurs.
Références bibliographiques :
TABOULAY Camille, Le cinéma enchanté de Jacques Demy, Cahiers du Cinéma, Paris, 1996.
PHILIPPON Alain, Cahier de notes sur... Peau d'Âne, Ecole et Cinéma, Paris, 2005.
(Catalogue d'exposition), Le Monde enchanté de Jacques Demy, Skira-Flammarion – La Cinémathèque française, Paris, 2013