Rencontre avec Robert Mallet pour son dernier roman"Les Rives incertaines"
Notice
Rencontre avec Robert Mallet dans son château de Bray-lès-Mareuil pour son dernier roman : Les Rives incertaines. L'écrivain dit s'être inspiré de Saint-Valery, et explique le titre qui renvoie aux incertitudes de la vie.
- Europe > France > Picardie > Somme > Bray-lès-Mareuil
Éclairage
L'itinéraire de ce poète, romancier, homme de radio et très simplement homme d'action que fut Robert Mallet se confond avec l'émergence de la Picardie en tant qu'entité administrative. À bien des égards on peut le considérer comme pionnier dans ce domaine. C'est en 1964, au retour d'un long séjour en tant qu'enseignant puis Doyen à la Faculté des Lettres de Madagascar (depuis 1959), qu'il fait d'Amiens un centre académique dont il devient le premier Recteur. Il s'agit d'un véritable aboutissement pour ce créateur qui n'a jamais dissocié son amour pour le local, en particulier cette vallée de la Somme où il est né et a vécu jusqu'à sa mort dans la propriété familiale de Bray-lès-Mareuil, d'où l'on domine les étangs, d'un appétit pour le monde et le mondialisme, la francophonie mais aussi le mariage des cultures. Pour qui l'a rencontré et accompagné, fût-ce à distance, dans les dernières années de sa vie il est évident que sa personnalité devra un jour être rassemblée pour qu'elle émerge dans toute son unité et sa variété. Il est vrai que les poètes français, après avoir longtemps fréquenté les ambassades dans la première partie du XXe siècle (Claudel, Saint John Perse, Morand etc...) ont trop facilement fui vers les retraites intérieures depuis lors, désertant les affaires du monde. Robert Mallet fut en ce sens l'un des tout derniers représentants d'une poésie active, inspiratrice de l'action politique. Il est vrai que ce jeune avocat aux études interrompues par la guerre qui le verra officier d'infanterie, blessé, interné, évadé puis rejoignant la résistance aura connu les années les plus agitées d'un siècle ouvert à toutes les curiosités comme à toutes les tragédies. C'est au contact des écrivains, cependant, qu'il devait faire pour ainsi dire ses classes et d'abord les plus grands (André Gide, Paul Claudel, Paul Valéry). Secrétaire particulier d'André Gide, il entre en 1949 en qualité de conseiller littéraire aux éditions Gallimard où il dirigera pendant dix ans les collections La Bibliothèque idéale consacrée aux écrivains du monde entier et Jeune Poésie. Il y prépare aussi la publication de plusieurs volumes de correspondance entre Colette et Jammes, Gide et Jammes, Claudel et Suarès, Valéry et Gide, Claudel et Gide. Mais c'est sans conteste le domaine de la radio, à laquelle il collabore depuis 1946, qu'il va laisser son œuvre la plus originale, dont ces célèbres Entretiens avec Paul Léautaud (au nombre de 38), diffusés de novembre 1950 à Juillet 1951, et régulièrement rediffusés depuis. Nommé recteur de l'Université de Paris, professeur à l'université de Paris VII, voyant sa candidature à l'Académie française refusée au bénéfice du journaliste Michel Droit, ce grand serviteur indépendant des idées nouvelles prend alors sa retraite auprès de ses étangs tout en demeurant actif et souvent décisif en ce qui concerne les aménagements de la nouvelle région picarde (cf. son rôle sur la conservation du littoral et la Baie de Somme). Cette personnalité littéraire et politique brillante aura cependant trouvé le temps de construire au cours de ces années, une œuvre à la fois théâtrale, romanesque et poétique multiple et cohérente. Nous signalerons L'Équipage au complet (Gallimard, 1957), pièce de théâtre qui bénéficia d'un grand succès en son temps , Une mort ambiguë, fine analyse des relations conflictuelles entre Gide et
Claudel (Gallimard, 1955), les romans Ellynn (Gallimard, 1985) et Rives incertaines (Gallimard, 1993) dont l'action se situe dans le cadre de la Baie de Somme et qui a fait l'objet de ce reportage réalisé à Bray-lès-Mareuil au moment de sa sortie. Cependant que de nombreux recueils de poésie, de facture classique, sont à mettre à son compte tel Le Poème du sablier (Gallimard, 1962), Apostille ou l'amour et le futile (Gallimard, 1972), Quand le miroir s'étonne (Gallimard, 1974), Silex éclaté, (Gallimard, 1976), Le Forgeron me l'avait dit suivi de Mots princiers (Gallimard, 1982).
Si l'on note également que Robert Mallet fut membre de l'Académie royale de langue française (Belgique) des académies Mallarmé, Apollinaire et qu'il reçut de nombreux prix, on devra s'étonner qu'il ne semble pas avoir laissé de temps pour la réalisation d'un documentaire retraçant cette existence aussi spectaculairement remplie . On peut espérer qu'il ne faudra pas attendre 2052, à l'ouverture de son Journal, pour assister à une résurrection de cette personnalité picarde de tout premier plan.