Les frères Le Nain à Bourguignon
Notice
Évocation à travers l'œuvre des frères Le Nain, originaires de Bourguignon, un village à quelques kilomètres de Laon.
- Europe > France > Picardie > Aisne > Bourguignon
Éclairage
C'est un autre artiste natif de Laon, l'écrivain Champfleury (1821-1889) ami de Victor Hugo et de Gustave Flaubert qui devait tirer de l'oubli ce trio de peintres originaires de la même ville que lui. Il le fit au nom du réalisme, qu'il professait en littérature et lui fit co-fonder la revue Le Réalisme. Admirant en peinture son contemporain Gustave Courbet, la filiation avec les Le Nain était doublement évidente pour ce Laonnais. On ne connaît pas les dates de naissance distinctes des trois frères, Antoine, Louis et Mathieu, fils d'un sergent royal du bailliage de Vermandois. On ne connaît pas non plus le nom du maître auprès duquel ils apprirent leur art. Un peintre flamand ? Ce ne serait pas impossible, voyant l'affinité de leur art avec les descendants de Brueghel par exemple, les Teniers. Ce que l'on sait c'est qu'ils sont à Paris à partir de 1629 et qu'ils répondent à des commandes officielles, Antoine devenant même Maître auprès de la Ville de Paris. Ce sont des artistes connus qui, pour deux d'entre eux Antoine et Louis, ont la malchance de mourir au moment qu'ils entraient à l'Académie royale en 1648. Une exposition importante leur a été consacrée au Grand Palais à Paris d'octobre 1978 à Janvier 1979, le catalogue en étant confié au spécialiste Jacques Thuillier (1). Deux aspects de leur travail, au moins, les rendent originaux. D'une part, ils signent leurs tableaux du seul et même nom Le Nain, sans faire référence à leurs prénoms. Ils professent un travail collectif, par conséquent, qui n'aura cependant pas empêché les spécialistes modernes de différencier le style de chacun. D'autre part ils prennent pour sujet de leurs tableaux les plus réussis, les plus émouvants, les paysans. En tant que tel, leur travail constitue un document passionnant sur la société des années de transition de la Régence, entre les règnes de Louis XIII et Louis XIV dites aussi années de la Fronde. À examiner leurs toiles les plus connues, le Repas des Paysans, Paysans devant leurs maisons, La forge on décèle une grande sobriété des conduites. Dans le Repas des Paysans, trois hommes en sarrau de drap redondant, pieds nus sur le pavé pour l'un des trois, boivent un verre de vin rouge clair, un panier de pain coupé reposant sur un coin de la table, dans l'ombre. Un esprit de communion préside, par lointaine évocation, à leur réunion. Cependant leurs regards ne sont pas accordés, déviant soit vers l'extérieur soit vers l'intérieur. Leur immobilité assise leur donne une dignité antique tout en les chargeant d'une puissance de révolte. Ce sont sans doute des vignerons que les trois frères côtoyèrent dans cette ville glorieusement vinicole que fut longtemps Laon (jusqu'à la crise du phylloxera) ou dans les vendangeoirs du village de Bourguignon-sous-Montbavin où la famille Le Nain possédait une maison. Laon, longtemps ville vigneronne, connut de nombreuses et sanglantes révoltes au cours de son histoire. Le vin échauffe les têtes et si placides paraissent-ils, on imagine ces paysans des Le Nain se lever un jour de leur chaise, pour de bon.
(1) On pourra consulter, outre le catalogue de Jacques Thuillier, l'article dû à Pierre Lefèvre, ancien bibliothécaire de Laon, "Les frères Le Nain et le Laonnois", Fédération des Sociétés d''histoire et d'archéologie de l'Aisne, 1980, accessible sur internet
sur le site de la Fédération des Sociétés d'Histoire et d'Archéologie de l'Aisne.