Clovis Trouille (1889-1975)
Notice
Portrait de Clovis Trouille, peintre picard né en 1889 à La Fère dans l'Aisne, mort en 1975. Thierry Bonté s'est rendu chez son petit fils qui conserve chez lui des toiles. A travers peintures et documents d'archives, il montre un peintre à la personnalité singulière, à l'œuvre étonnante qui a fait partie du mouvement surréaliste et a côtoyé tous les grands poètes et artistes du début du XXe siècle.
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Éclairage
Qu'est-ce qui fait que depuis la diffusion de cette émission en Juin 2003 quasiment aucun événement ne se soit produit dans la vie posthume du peintre Clovis Trouille originaire de La Fère dans l'Aisne ? Hormis une exposition intitulée "Voyous, voyants, voyeurs" préfacée par un texte de Michel Onfray et présentée au Musée d'Ostende (2002) puis au Musée de Picardie à Amiens (2007), puis à l'Isle Adam (demeure du petit-fils du peintre, son collectionneur) en 2009 avant de voyager à Laval (Octobre 2010-Janvier 2011), ainsi qu'un accrochage à la Halle Saint-Pierre dans le 18e arrondissement à Paris, entre 2011-2012 sous le titre "Hey ! modern art and anarchist pop-culture", aucune exposition d'envergure n'a été encore programmée. A-t-on peur du succès, du scandale, de la ruée des visiteurs ? A-t-on peur d'éclipser la gloire de Magritte à Bruxelles ou celle de Dali ? Ce fabricant d'images qui avait attiré l'attention de Breton en 1930 mais se méfiait d'aliéner son indépendance au surréalisme et avait refusé une exposition est assurément le peintre français le plus anti-conformiste du XXe siècle. Plus évidemment que tout, il a le tort d'être violemment (et plaisamment) anti-clérical et anti-militariste. Or l'art de ce grand iconoclaste, ce satiriste de choc prend sa naissance dans le plus abominable génocide mutuellement perpétré par les nations européennes, la guerre de 1914-1918. Clovis Trouille la vivra, la subira, ayant même droit à 7 ans de condition militaire (4+3) grâce à la loi de 3 ans votée en 1911 par le Parlement français. Il sortira de l'épreuve totalement traumatisé. De là cette confession émouvante rappelée dans le document diffusé "J'ai eu le traumatisme de la guerre qui me sépara de la peinture". Autant dire que Clovis Trouille qui reprendra son art dix ans seulement après l'armistice, ne se considère plus désormais comme un "vrai" peintre. Est-ce à dire qu'il se voit en pourvoyeur d'images ? À l'évidence il a décidé de combattre, avec ses armes, l'hypocrisie de la société. Donc il choque et il moque, par l'humour et le sexe essentiellement. Il fait éclater de rire le Christ en pleine cathédrale d'Amiens. Il met dessous et jarretelles aux évêques. Il lesbianise les religieuses qu'il fait s'échanger lascivement des baisers, il présente l'hostie du sexe féminin aux voyeurs que nous sommes, dans un décor de grandioses pompes mortuaires ( Mes funérailles ), il ose parler, preuves à l'appui, de l'Immenculée Conception. Telle une espèce de freudien dévergondé il voit le refoulement de la sexualité à l'origine du mal et pourfend joyeusement les prétentions de l'horrible ordre masculin par la beauté de la féminité. C'est le fruit, dit-il, de ses trente-cinq ans d'occupation en tant que maquilleur et retoucheur de mannequins, son gagne pain. "Il n'y a rien qui m'émeut plus que la beauté féminine" confie-t-il. Les cent vingt toiles de ce surréaliste cru et brut, en comparaison desquelles la prose de Breton a le parfum de l'eau de rose, finiront bien par rentrer un jour dans les Musées. Saluons ce grand Picard irrécupérable, Clovis Trouille !