Exposition Puvis de Chavannes à Amiens
Notice
Reportage sur une une grande exposition avec plus de 300 œuvres consacrée à Pierre Puvis de Chavannes au musée de Picardie à Amiens. Matthieu Pinette, directeur du musée, nous fait découvrir ce peintre d'origine lyonnaise fut l'un des décorateurs du musée de Picardie au XIXe siècle.
Éclairage
Ce document introduisant à l'exposition des œuvres du peintre au Musée de Picardie, en 2005, représente un salut trop bref à un artiste dont le Musée d'Amiens possède une imposante collection. Question surface, ces fresques amiénoises issues de l'atelier du peintre place Pigalle à Paris, marouflées par lui-même au Musée d'Amiens, rivalisent largement en effet avec celles qui furent destinées au Panthéon à Paris, au grand amphithéâtre de la Sorbonne, au Musée des beaux Arts de Lyon, à l'Hôtel de Ville de Paris ou à la Bibliothèque publique de Boston. Curieuse destinée que celle de cet homme d'ascendance bourguignonne, né à Lyon, élève de rhétorique au Lycée Henry IV à Paris puis disciple des peintres Eugène Delacroix, Thomas Couture et Théodore Chassériau. Quasi autodidacte, plusieurs fois refusé au Salon, finalement devenu peintre officiel de l'État français (la deuxième République), Puvis pâtira pour cette raison même de son statut. Lorsque, au XXe siècle, la vogue des Impressionnistes emportera tout sur son passage, il ira rejoindre le clan des peintres "pompiers". L'exposition de 2005 à Amiens, conçue par le conservateur d'alors, Matthieu Pinette, avait pour ambition légitime de réinstaller Puvis aux origines mêmes du modernisme. Manifestement admiré par Pablo Picasso et par Henri Matisse, de même qu'annonçant le néo-classicisme d'un de Chirico, Puvis de Chavannes est l'auteur d'une œuvre idéaliste et symboliste. Marqué lui-même par deux voyages en Italie (1846 et 1848) et la fréquentation de Giotto et Piero della Francesca, il s'inscrit comme tel dans un mouvement plus général, de dimension européenne, qui voit les Nazaréens en Allemagne et les Préraphaélites en Angleterre se référer à un passé mythique. Chrétiennes chez les peintres allemands, laïques chez Puvis, ces références au passé s'appuient non seulement sur les thèmes classiques réactivés par Poussin ou Ingres mais aussi sur les premières études anthropologiques et le développement de la science archéologique. Rappelons que c'est dans la Somme qu'est née cette dernière avec le livre de Jacques Boucher de Perthes paru en 1849 Antiquités celtiques et antédiluviennes. Les fresques amiénoises représentant Le Travail et le Repos (1863) ainsi que Ave Picardia Nutrix (1865) et Pro patria ludus (mis en place dans l'escalier du musée d'Amiens en 1888), campent ainsi une société antique idéale, pré-rousseauiste, vivant sur les bords d'une rivière qui pourrait être la Somme. On dirait d'une illustration avant la lettre du Rameau d'Or (Golden Bough) que publiera quelques années plus tard l'anthropologue écossais Frazer. Ces scènes empruntes d'une profonde nostalgie pour un état paradisiaque, encore intact des ravages de l'industrie, font aujourd'hui l'effet de grandes rêveries idylliques, anhistoriques.