L'industrie du textile à Tarare
Notice
Tarare, dont l'industrie est essentiellement basée sur le textile, subit la crise. Une des solutions serait de diversifier l'activité afin de pallier au problème du chômage.
- Rhône-Alpes > Rhône > Tarare
Éclairage
Ce reportage s'intéresse particulièrement à l'industrie textile de la ville et de la zone d'emploi de Tarare (12 045 habitants en 1975, 10 869 habitants en 2009) située à 40 km à l'ouest de Lyon et 42 km au sud-est de Roanne, au confluent de deux rivières, la Turdine et le Taret. Si le lin et le chanvre y sont tissés dès le XVIe siècle pour le marché local mais aussi pour le Proche-Orient, c'est à la fin du XVIIIe siècle que l'agglomération prend son essor, lorsque Claude Marie Simonet (1749 - 1822) réalise le projet de son oncle Georges-Antoine Simonet (1710-1778) et fonde la première fabrique de toile de coton légère, fine et peu serrée : la mousseline. Les établissements, généralement de taille modeste, se multiplient, des entreprises de blanchiement et d'apprêt sont créées et complètent la filière. La ville se développe au cours du XIXe siècle (apogée de 15 092 habitants en 1866) parallèlement à l'accroissement de la demande de textiles ; la qualité des mousselines tissées à Tarare, primées aux Expositions universelles, leur ouvre un marché européen jusque dans les années 1860. La concurrence étrangère, notamment anglaise (le traité de libre-échange signé avec le Royaume-Uni en 1860 décuple l'entrée de cotonnades anglaises en France) provoque la diversification de la production : plumetis, mousseline brodée de petits pois en relief et organdi, mousseline apprêtée utilisées pour l'habillement ; tarlatanne, mousseline très aérée et apprêtée employée pour les patrons de vêtements, les parementures et le renfort en général, de reliure comme de toile à peindre ou encore singalette, mousseline aérée employée pour la gaze à pansement. Cependant, si l'industrie textile occupe la quasi totalité de la main-d'oeuvre locale, la mousseline n'est pas l'unique production de Tarare. La relative proximité de Lyon, la présence d'énergie hydraulique et de main-d'oeuvre ont attiré les industriels lyonnais de la soierie : Gubian ouvre la voie de la fabrication de velours et peluche en 1836, suivi en 1843 par Jean-Baptiste Martin qui installe une vaste usine-pensionnat comprenant un moulinage et un tissage.
Comme souvent, c'est au moment où la mousseline, toile de coton, n'est plus tissée à Tarare que la ville l'institue en objet patrimonial : en 1955, la fête des mousselines est instaurée dans son rythme quinquénnal. La production de voile d'ameublement, qui a peu à peu supplanté la production destinée à l'habillement, avait adopté la rayonne (fibre artificielle) dès la fin des années 1920 puis employé massivement le Tergal (fibre synthétique polyester), produit à partir de 1954 par la Rhodiacéta. Tarare devient ainsi la capitale du voile Tergal, assurant 80% de la production nationale et 78% de la production mondiale. Son leadership cependant, comme il l'a été pour la mousseline, reste fragile ; si l'industrie locale excelle dans la mise au point de nouvelles fabrications, elle peine rapidement à lutter contre les productions étrangères, moins onéreuses et les industriels, viscéralement individualistes, tardent à s'unir pour protéger leur fabrication (marque « Plein Jour »). La décolonisation a fermé les marchés des traditionnels voiles d'Algérie et dans les années 1970 commence une période de déclin que la conversion réussie d'une entreprise appartenant à une activité annexe ne parvient pas à enrayer. En effet, en 1936, le groupe Hippolyte Champier reprend la BAT (Blanchiment et apprêts de Tarare) et s'oriente vers l'enduction sur tissu ; en 1948, il dépose la marque Taraflex pour une gamme de revêtements de sols techniques qui, outre la Marine et la SNCF, équipent les salles de sport, emportant le marché des revêtements des terrains de volley-ball et hand-ball pour les jeux olympiques de Montréal (1976). En proie à des difficultés économiques, Champier vend Taraflex au groupe Gerflor en 1978.
Le reportage, diffusé en 1976, propose une vision argumentée et volontiers critique de la situation du textile à Tarare. Il rend compte de l'état d'une économie marquée par la monoactivité textile qui s'appliquerait aussi bien à d'autres petites villes proches (Cours, Thizy, Amplepuis voire, plus à l'est, Vienne) frappées de plein fouet par la crise générale liée au premier choc pétrolier et à l'augmentation de l'inflation, confrontées à la réduction des exportations et à l'affaissement du marché intérieur. Les interviews croisées, exceptée la première, apparemment celle d'un syndicaliste, montrent que Tarare vit encore sur le modèle industriel du XIXe siècle où les entreprises sont dirigées par un patronnat familial qui détient l'ensemble du capital. Investissant dans les périodes fastes, essentiellement routiniers la plupart du temps et vivant dans l'illusion d'une gloire pourtant révolue, les industriels assistent aux mutations économiques et sociales en spectateurs, prompts à attribuer leurs difficultés aux malheurs du temps, à la fatalité qui joue contre leur industrie ou à l'impéritie des politiques gouvernementales. En 2007 ne subsistent dans le canton de Tarare que quelques entreprises textiles occupant à peine plus de 750 salariés.