L'entreprise Brochier tisse le nez du Concorde
Notice
L'entreprise Brochier s'est spécialisée dans le tissu technique. L'une de ses activités est de tisser, grâce au métier Jacquard, les chaussettes des radômes des avions de combat et du Concorde.
Éclairage
Après la Seconde Guerre mondiale, la France vit une période d'expansion économique, connue sous le nom des "Trente Glorieuses". C'est l'époque des développements de l'aérospatiale, de l'industrie nucléaire civile et militaire, de l'électronique et des matières plastiques ; c'est aussi une époque de grands projets comme le paquebot France ou l'avion
supersonique civil Concorde.
L'entreprise lyonnaise J. Brochier industrie, constituée en 1973, est spécialisée dans le tissage technique par Joseph Brochier qui s'est séparé en 1969 de l'affaire familiale J. Brochier et fils, fondée en 1901 à Lyon pour la fabrication de soieries. Elle s'est intéressée au tissage de la fibre de verre dès 1948 et en a surmonté les difficultés techniques : contrairement à la plupart des autres fibres textiles, le verre n'est pas élastique, il casse. Par contre, ses propriétés ininflammables en ont fait un matériau de choix pour le renouvellement des revêtements muraux de l'ensemble des paquebots exploités à l'époque par la Compagnie Générale Transatlantique. C'est ainsi que l'entreprise Brochier a tissé plusieurs dizaines de milliers de mètres de revêtements muraux ignifuges.
Les développements de la chimie organique ont permis l'élaboration des résines époxy ; associées à la fibre de verre, elles donnent naissance aux matériaux composites dont les utilisations sont devenues multiples : parmi elles les radômes, enveloppe en matière transparente aux ondes radio-électriques destinée à protéger une antenne de radio ou de radar contre les intempéries. Si les revêtements muraux sont des tissus plats, pour les radômes, l'entreprise Brochier a dû appliquer le tissage tubulaire (la "chaussette"), connu depuis longtemps, à la fibre de verre. Pour réaliser la forme conique des nez radômes des avions, le tissage tubulaire ordinaire devient un tissage tubulaire à diamètre variable ; ce type de tissage n'est pas courant et il n'existe pas de machine dédiée sur le marché. Le reportage montre bien comment l'entreprise a surmonté ces difficultés à partir de matériels existants : un métier à navette de grande largeur, une mécanique double de type Jacquard (de marque Verdol) sur charpente et un cantre (râtelier supportant de petites bobines) habituellement utilisé à la préparation de la chaîne. La majeure partie du savoir-faire de l'entreprise réside dans l'idée de cet assemblage d'éléments provenant de diverses machines textiles.
Pour le radôme du supersonique Concorde, il était nécessaire de conserver les performances optimales du radar à la vitesse de Mach 2, à des températures de -50 ° C à +190 ° C et avec une durée de vie minimale opérationnelle de 5.000 heures. Combinaison d'éléments de fibre de verre, le radôme a été fabriqué par BDS Industrial Fabrics Ltd à Leicester (Royaume-Uni) pour les parties tricotées et par l'entreprise Brochier pour les parties tissées. Comme le rappelle le reportage, Brochier fournissait la société des avions Marcel Dassault pour les radômes d'avions militaires qu'elle construisait en coopération avec Sud-Aviation, collaboration qui a été poursuivie pour la fabrication du Concorde. Lors du tournage du reportage, en mars 1973, seuls deux prototypes du Concorde avaient été fabriqués (le projet a démarré en 1962, les premiers essais ont eu lieu en 1969). Vingt exemplaires seulement ont été construits, l'exploitation commerciale débutée en 1976 s'est arrêtée en 2003. Sa collaboration avec Sud-Aviation et la British Aircraft Corporation a permis à l'entreprise Brochier de se renforcer sur le marché du tissage pluridimensionnel en cône : entre 1970 et 1991, elle passe de 42 à 100 salariés et décuple son chiffre d'affaires avant d'entrer en 1980 dans le groupe chimique suisse Ciba-Geigy. Avec Verester, Porcher, Hexcel-Genin, Chomarat... l'entreprise Brochier illustre la réussite de la reconversion de la soierie lyonnaise dans le textile à haute valeur technologique ; aujourd'hui, la région Rhône-Alpes est leader national pour les textiles techniques en générant 70 % du chiffre d'affaires national et plus de 300.000 tonnes de production.