Le centenaire de la ficelle

18 juin 1962
02m 20s
Réf. 00115

Notice

Résumé :

Le funiculaire de la rue Terme sur la colline de la Croix Rousse à Lyon fête ses cent ans. Autrefois appelé chemin de fer à corde, il a été baptisé "ficelle" par les Lyonnais.

Date de diffusion :
18 juin 1962
Source :

Éclairage

Le 18 juin 1962, la Ficelle fête ses cent ans avec quelques jours de retard puisque son premier voyage date du 3 juin 1862. Ce moyen de transport alors original permet de relier rapidement le plateau de Croix Rousse au pied des pentes et d'être ainsi à quelques pas de la place des Terreaux et de l'Hôtel de Ville de Lyon. La Ficelle permettait de gravir quelques 80 mètres de dénivelé sur une longueur de 489 mètres et de relier au reste de la ville la commune de la Croix-Rousse qui avait été annexée en 1852.

Ce moyen de transport où certains ont voulu voir le premier métro – ce qui ferait de Lyon un précurseur puisque celui de Londres n'a ouvert ses portes qu'un an plus tard, en 1863 – permet ainsi d'éviter aux attelages une pente longue et sinueuse, dangereuse pour les chevaux (la montée des Esses). Elle permet aussi d'intégrer plus directement la commune annexée à l'ensemble de la ville en un temps où la Croix Rousse reste synonyme des insurrections des canuts en 1831 et 1834. Le préfet de Lyon, Maurice Vaïsse, évoqué dans le reportage, a d'ailleurs entamé la régénération de Lyon pour aérer le centre de la presqu'île par de larges percées. Même si leur objectif n'est pas que militaire, cette dimension n'est pas totalement absente et la Ficelle, qui participe de ce plan d'ensemble, permet de rompre l'isolement de la Croix Rousse. Au delà des remparts qui occupaient le boulevard de la Croix Rousse, un chemin de fer partait, dès 1863, pour la gare de Sathonay. A partir de 1866, il est possible de gagner Bourg-en-Bresse par le chemin de fer de la Dombes, mais les grandes ambitions de la Compagnie de la Dombes et des Chemins de Fer du Sud-Est sont brisées par la compagnie PLM (Paris-Lyon-Marseille) qui rachète l'entreprise et installe un nouvelle gare à Saint Clair, sur les bords du Rhône. La gare de la Croix Rousse est déclassée à la fin du XIXe siècle.

Ce reportage permet aussi de voir comment, au XIXe siècle se sont diffusées les innovations techniques par correspondances directes entre les municipalités, ici celle d'Istanbul dont le souci de modernité lui avait également fait consulter le baron Haussmann. A Lyon même, la Ficelle fut imitée par d'autres funiculaires qui devaient limiter l'impact de la topographie de la Croix Rousse et de Fourvière, la colline où l'on travaille et la colline où l'on prie. Un premier funiculaire fut construit au départ de Croix Paquet en direction de la Croix Rousse, il fut ouvert en 1891. Trois autres furent construits sur la rive droite de la Saône, le premier du Vieux Lyon à Saint-Just en 1878 et les deux autres, Vieux Lyon/Fourvière et Saint-Paul/Fourvière, en 1900.

La première Ficelle fit son dernier voyage le 31 décembre 1967 et une voie routière emprunte aujourd'hui l'ancien tunnel. La ligne Saint-Paul/Fourvière s'est arrêtée 30 ans plus tôt et les trois autres lignes sont intégrées, comme trains à crémaillères ou comme métro, aux transports en commun lyonnais.

Jean-Luc Pinol

Transcription

Journaliste
Ainsi depuis 100 ans fonctionne le funiculaire de la rue Terme à Lyon. Il a été inauguré le 3 juin 1862, en grande pompe. Et l’anniversaire de ce très alerte centenaire va être prochainement célébré tout aussi solennellement par l’union des commerçants de la Croix Rousse. Le funiculaire de la rue Terme, c’est avant tout en effet l’affaire des croix-roussiens. Ce fut il y a 100 ans leur libérateur, l’engin merveilleux qui les mettait à 2 minutes 48 secondes du centre de la ville. Et comme quiconque le ferait avec un vieil ami, les habitants du plateau le baptisèrent d’un surnom pittoresque, la ficelle. Les documents officiels donnant ordre de commencer les travaux de construction parlaient du chemin de fer à corde. Mais l’expression n’a pas fait carrière tandis que le mot ficelle est allé jusqu’à Istanbul. La ficelle de la rue Terme est en effet la plus ancienne d’Europe. Ce fût un prototype, souvent copié depuis puisque de Turquie même, des ingénieurs vinrent à Lyon et repartirent avec les plans et le vocable en poche. Ni le préfet Vaisse, qui sur ce document de 1860, s’engagea à faire percer la rue Terme, ni le copiste distrait qui, rédigeant les ordres d’expropriation, fit Napoléon empereur par la grâce de Lyon, comme vous pouvez peut-être le lire, ne se doutait que la ficelle transporterait encore en 1961, 1 23 000 voyageurs. Pourtant les constructeurs prévirent grand. Voyez la gare base de l’époque. Il fallait que l’on puisse embarquer les plus gros attelages sur les trucs que l’on accrochait derrière la voiture voyageurs. Les voitures actuelles sont d’ailleurs construites sur le même châssis que celles que vous voyez sur votre écran. Il date de 1891. En arrivant à la gare haute, un autre chemin de fer vous attendait. Celui de Bourg, selon cette photo de la collection de Guy Borgé. Un journaliste de l’époque, audacieux visionnaire, écrivait: " Ouvert ce chemin qu’on disait impossible, tête de ligne de ce chemin de fer qui ne tardera pas à traverser la Dombe et à relier la France et l’Allemagne." Pourtant, lorsque l’on prend le train pour Francfort ou Berlin, on ne va plus rue Terme.
(Musique)