Les ruines de Séchilienne
Notice
Séchilienne, dans la vallée de la Romanche, est un lieu à risque, surveillé de très près. Le mont y est fissuré et les glissements de terrains sont réguliers. Ce phénomène est progressif et pourrait provoquer des inondations.
Éclairage
Ce reportage réalisé en 1994 est un des nombreux reportages que la télévision régionale consacre à ce site devenu expérimental depuis 1985. Emblématique, le site de Séchilienne l'est à plusieurs titres.
Il est un des exemples phares des recherches pluridisciplinaires et finalisées menées en Isère mais dont la nature des travaux est devenue un modèle pour d'autres territoires soumis à des risques similaires. Il est un des thèmes contribuant à faire de l'Isère un département pilote pour les recherches et la politique en matière de risques naturels à partir des années 1980, à l'instigation d'Haroun Tazieff appelé par le maire de l'époque Alain Carignon. Le département occupe cette position surtout depuis la mise en place effective du Pôle grenoblois d'étude et de prévention des risques naturels (PGRN). Cette institution ambitionne de relier des chercheurs, des ingénieurs et des techniciens des services de l'Etat, des représentants des collectivités territoriales et des acteurs des associations (au final environ 200 personnes concernées en Isère, dans les Alpes européennes, et en France) pour conduire des recherches autour des différentes catégories de risques. Son objectif est de proposer des solutions pour les politiques de protection et de prévention mais aussi de diffuser les connaissances acquises dans les nombreux programmes conduits directement ou à son instigation. Les « ruines de Séchilienne » est l'un d'entre eux, l'un des plus connus et reconnus. Sa spécificité est de présenter une vraie continuité dans le suivi et les différentes réalisations.
Au fil des ans, Séchilienne est devenu un laboratoire d'études pour les scientifiques qui travaillent sur les aléas physiques. Le reportage en atteste qui se focalise sur les opérations de mesure, de captage des écoulements des sédiments, interrogeant des spécialistes pour donner des explications sur le phénomène. Il insiste sur les travaux qui sont initiés non seulement pour disposer d'outils d'étude mais pour prévenir les conséquences de l'éboulement annoncé : déviation de la route, creusement d'une galerie pour mieux observer les mouvements. A cette époque, les interrogations portent sur la masse de sédiments qui pourraient dévaler de « cette montagne malade » : de 3 millions de M3 à 50 Millions de M3. Comme tous les reportages, les indications données restent à la fois précises et floues. Le journaliste souligne le danger majeur pour Grenoble dans l'hypothèse de l'éboulement maximum en rappelant un épisode qui a marqué la mémoire grenobloise : l'inondation catastrophique de 1219 liée à la rupture du barrage du lac artificiel situé à Bourg d'Oisans : la confusion est intéressante qui colle dans le temps et l'espace ces menaces distinctes et similaires. Si ce reportage est diffusé à cette date, c'est que doit se décider le montant des sommes destinées à mettre en chantier la construction d'un tunnel de dérivation de la Romanche en cas d'éboulement majeur. Il permettrait d'éviter la constitution d'un barrage artificiel dont la rupture provoquerait un tsunami dévastateur. Ce dernier recouvrirait un territoire en aval où se rassemblent non seulement les zones résidentielles de l'agglomération grenobloise distante de quelques trente kilomètres mais surtout les sites industriels de la chimie (site « Seveso ») et du nucléaire, ce que se garde d'évoquer le reportage.
Celui-ci, comme la plupart de ceux qui sont consacrés à Séchilienne, se focalise sur les aspects techniques et géophysiques. Un auditeur peu familier de ce territoire ne comprend pas que la route menacée est celle qui conduit aux stations de l'Oisans (L'Alpe d'Huez et les deux Alpes) et par delà vers les stations du Briançonnais. Plus encore, le journaliste fait l'impasse sur une des originalités de ce programme de recherches : celle d'avoir fait travailler conjointement avec les géophysiciens, les chercheurs en sciences sociales, autour de la notion de « risque négocié ». En effet les « ruines de Séchilienne » menaçant en premier lieu des habitations situées à leur pied, il a fallu faire accepter à ces populations installées là depuis des générations le fait de quitter leur maison, mais plus encore les motifs de leur refus ferme et durable.