Après l'avalanche du Val d'Isère
Notice
Depuis trois jours la station de Val d'Isère est fermée. Les risques d'avalanches sont toujours possibles. Les seules personnes présentes sont les sauveteurs qui continuent à déblayer le centre de l'UCPA, où 39 résidents ont trouvé la mort.
Éclairage
Val d'Isère (Savoie) le Plateau d'Assy (commune de Passy en Haute-Savoie) : en 1970, le 11 février à 8h 10 et dans la nuit des 15 et 16 avril, ces deux lieux sont durement touchés par des aléas majeurs : une avalanche gigantesque à l'instar des 30 000 M3 de boue coulant sur le site du Roc de Fiz au plateau d'Assy. Si ces aléas sont parmi les plus meurtriers des Alpes au cours des 50 dernières années (39 morts et 40 blessés à Val d'Isère et 72 morts au plateau d'Assy), c'est qu'ils atteignent des bâtiments occupés. A Val d'Isère il s'agit du chalet de l'UCPA récemment construit dans une station en plein développement, surtout depuis qu'elle bénéficie de l'aura des vainqueurs des JO de Grenoble, Jean Claude Killy et les sœurs Goitschel. Au plateau d'Assy, il s'agit d'un sanatorium installé depuis 1929. Le fait que les victimes soient des jeunes renforce l'émotion qui entoure ces événements catastrophiques. Celui de Val d'Isère est particulièrement médiatisé le jour même, les jours suivants et reste un exemple toujours rappelé lors d'événements similaires.
Dès le 11 au matin un reporter déjà sur place, en raison des risques liés aux très fortes chutes de neige, envoie ses images pour le journal de 13 heures. Philippe Gildas, présentateur du JT, commence avant l'envoi du reportage à poser la question des responsabilités, de la vulnérabilité de ce chalet aux baies vitrées, largement ouvertes vers la pente ; il s'interroge sur le fait que dans un contexte menaçant rien n'ait été fait pour protéger les résidents. Une démarche bien différente des reportages actuels où cette question arrive toujours tardivement quand elle est posée. Les images tournées montrent essentiellement le travail méthodique des sauveteurs pour tenter de retrouver les corps vivants ou blessés et transportés à l'abri. Les voitures recouvertes et souvent broyées, la longueur de tiges permettant de sonder attestent de la hauteur et de la violence de la coulée. La parole est donnée à un des responsables qui, en des termes concis et apparemment sans émotion, explique le travail des sauveteurs, la solidarité et l'efficacité qui se manifestent dans ces circonstances.
Après des images qui pointent l'enfermement de la vallée, coupée par les avalanches avec les quantités de neige qu'il faut déblayer (images des camions et des pelleteuses enlevant les murs de neige provenant visiblement des pentes abruptes surplombant la route d'accès), la parole est donnée à Raymond Marcellin, ministre de l'intérieur. A l'instar de ce qui avait été initié lors des inondations dans la vallée du Rhône au milieu du 19ème siècle avec le déplacement de Napoléon III venu assurer les populations de sa compassion, le déplacement du ministre de l'intérieur signe l'importance de cet événement.
Dans ce type de reportage, c'est une des premières fois où un ministre annonce en direct des mesures pour la prévention des risques : mise en place d'un plan de lutte contre de telles catastrophes, volonté de conduire une politique plus sévère en matière d'implantation foncière. Tout en insistant sur le fait que la catastrophe n'était pas prévisible, en faisant référence aux affirmations des habitants - ce qui ôte toute responsabilité aux différents niveaux de la hiérarchie administrative et politique - il réitère sa détermination à lutter contre les intérêts particuliers qui mettent en danger l'aménagement des territoires et au final les populations. Le résultat immédiat est la création de la loi instaurant les Plans exposition aux risques (PER) qui doit élaborer une cartographie précise. Ces PER seront ensuite modifiés et leur portée élargie pour concerner l'ensemble des risques avec la loi instaurant les PPR. C'est aussi à la suite de cet événement qu'est créé en 1971 l'Association nationale pour l'étude de la neige et des avalanches (ANENA). L'épisode catastrophique de Val d'Isère représente un tournant dans la législation et une étape forte dans la représentation des catastrophes de cette nature à la télévision. Dès lors que des victimes sont comptées, elles sont fortement médiatisées, entraînant la venue et l'intervention des politiques (cf. l'avalanche des Orres en 1998). Une exception cependant : l'avalanche de Montroc à Chamonix, durant l'hiver 1999, représentée à minima par la télévision malgré son nombre de victimes au sein de la population locale et parmi les touristes.