Sortie taurine au pré
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Résumé
En 1954, le club taurin La Cocarde de Lunel se rend dans une manade des environs pour un « déjeuner au pré ». Au cours de cette journée de fête, les jeunes taureaux sont triés et marqués au fer rouge. L’équipe (masculine) du club taurin contribue à l’immobilisation des bêtes et s’essaie à la course libre ou à un semblant de corrida, avant de s’attabler à nouveau devant un bon repas.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
1954
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- 00124
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Contexte historique
ParDirecteur de recherches au CNRS (UMR 5140)
Ce film amateur, qui provient de la collection de l’ethnologue Luc Bazin, traite de l’une des pratiques les plus courantes dans le milieu de la bouvine, la sortie au pré. Dans le cas présent, il s’agit des membres du club taurin La Cocarde, de Lunel, rendant visite à un manadier languedocien pour passer une journée auprès de ses biòus.
Les premiers clubs taurins, à la fin du XIXe siècle, réunissaient principalement les citadins méridionaux amateurs de corridas, et défendaient l’existence de la tauromachie contre les sociétés de protection des animaux. Entre les deux guerres sont apparus, dans les villages du Midi, des clubs attachés à la « course libre » et aux traditions camarguaises ; ils regroupent des hommes du village baignant dans la fe di biòu, la passion du taureau. Le club taurin La Cocarde est représentatif de ces associations d’aficiounas qui illustrent la culture populaire du monde de la bouvine. Ils assurent le lien avec les manadiers éleveurs de taureaux de leur commune ou des environs, et ont en général un rôle spécifique d’organisateurs de courses inscrites au programme de la temporada, de mars à novembre. A ce titre, les clubs taurins ont une place privilégiée au sein de la Fédération de la course camarguaise (FFCC).
Le déroulement d’une journée au pré suit un rythme assez immuable marqué par l’accueil du manadier sur ses terres, le déjeuner pris en commun sur les longues tables de la làupio (l’abri couvert de sagnes de roseaux), la ferrade (marquage des anoubles, bouvillons d’un an, au fer de la manade), et pour les plus courageux, les jeux avec les vachettes dans le bouvau (l’enclos) proche du mas. Formellement, la sortie au pré peut sembler immuable depuis ce film du début des années 1950, et les occasions ne manquent pas de la retrouver à l’identique encore aujourd’hui, notamment lors des fêtes votives de villages. Pourtant, tout a changé en profondeur. Les visiteurs sont de plus en plus souvent des citadins et des touristes attirés par ce folklore promettant l’authenticité du terroir et la convivialité des éleveurs du cru. La visite à la manade est très proche en cela de la vogue de l’œnotourisme dans les vignobles voisins. De la même façon que les néo-vignerons, en cave particulière, renouvellent la viticulture de coopératives, on assiste à la création continue de nouvelles manades (il en naît presque chaque année) qui sont le fait de passionnés de taureaux : anciens gardians amateurs, anciens raseteurs, ou entrepreneurs fortunés tels Louis Nicollin. On compte aujourd’hui quelque 150 manades de taureaux de race Camargue (Raço di Biòu), d’importance et de valeur très variables, dont une quarantaine dans l’Hérault : la plupart sont situées dans les zones humides bordant l’étang de l’Or. Mais la rareté relative des terres disponibles contraint les manadiers à s’établir souvent dans les garrigues, et toujours à morceler leurs pâturages sur des zones géographiques parfois vastes. Chaque manadier a besoin d’un mas entouré de quelques prés, centre symbolique de l’élevage, qui lui permet de recevoir le public, et de présenter les meilleurs éléments de son troupeau. Dans leur quasi-totalité, les manadiers ont pourvu leur mas d’une salle de réception confortable pouvant accueillir jusqu’à plusieurs centaines de convives (comités d’entreprises, réunions familiales, fêtes privées, etc.), où ils font la promotion de leur élevage. Les contacts directs avec les biòus, que l’on peut observer dans le film, se sont transformés en véritables spectacles à la demande, avec gardians en tenue « traditionnelle », musiciens gitans et même danseuses flamencas… La sortie au pré s’est muée en étape dans un vaste circuit touristique organisé par les manadiers, pour qui ces visiteurs sont une source de revenus essentielle à leur survie économique. Ils sont suivis en cela par les collectivités locales, offices de tourisme ou tour operators qui vendent la bouvine aux publics les plus larges possible.
Remerciements à Luc Bazin.