Les taureaux de la Petite Camargue
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Résumé
En Petite Camargue, les taureaux sont élevés pour la course libre. Jean-Pierre Durrieu, baile-gardian responsable de la manade Lafont, parle de la sensation de liberté que procure ce travail. Il évoque sa proximité affective avec les taureaux, et le lien unique qui le lie à son cheval, tout à la fois « outil de travail » et « compagnon ».
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
11 janv. 1997
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Contexte historique
ParDirecteur de recherches au CNRS (UMR 5140)
Réalisée en 1996, l’interview de Jean-Pierre Durrieu, baile-gardian de la manade Lafont, témoigne du lien affectif très fort qui lie les populations de la Petite Camargue au taureau, au cheval camargue et à un mode de vie en prise avec le milieu. Établie au domaine de la Tour d’Anglas sur la commune du Cailar (Gard), la manade Lafont, ensuite vendue à Louis Nicollin, a longtemps compté parmi les meilleurs élevages dont les taureaux s’illustraient dans les jeux taurins de la Petite Camargue, espace palustre situé entre le Petit Rhône et les villages de la plaine de Montpellier. Le baile-gardian a consacré sa vie professionnelle à cet élevage, secondé par des gardians amateurs venus de chaque village pour participer à la conduite de la manade avec leur cheval et leur passion.
Le document montre les conditions de cet élevage et l’amitié qui lie chevaux, taureaux et hommes, amitié qui se manifeste plus encore lorsque hommes et bêtes jouent ensemble dans l’arène de chaque village de cet espace littoral. À cet égard il est bon de corriger un abus de langage qui consiste à parler de tauromachie camarguaise, par comparaison avec la tauromachie espagnole qui met en scène la mort du taureau. Dans l’arène de Camargue, le taureau n’est jamais mis à mort et défend sa propre renommée durant plusieurs années, affirmant de course en course sa capacité à déjouer les feintes de l’homme, le raseteur, qui court au ras des cornes du taureau en essayant de décrocher les minuscules cocardes pendues sur le frontal de l’animal. Occupant le haut de l’affiche, bien au-dessus du nom des hommes, le nom des taureaux engagés dans la course constitue le principal argument de la qualité du spectacle attendu, et les amoureux de la bouvine, nom véritable de ces jeux taurins, suivent, des années durant, la carrière d’un taureau particulièrement valeureux. Les gens de bouvine se souviennent avec émotion des duels mythiques qui opposèrent le taureau Goya au raseteur Christian Chomel, enflammant les arènes au cours des années 1970. Goya est mort de vieillesse dans les pâturages de sa manade, où repose sa dépouille. D’autres, avant et après lui, ont connu cette amicale vénération.
A côté de ces stars de la bouvine, on ne doit pas oublier la foule des humbles supporters, souvent engagés eux aussi dans des jeux taurins moins spectaculaires mais tout aussi révélateurs de l’amitié de l’homme et du taureau : courses de villages, poursuite des taureaux que l’on tente de faire échapper à la vigilance des gardians qui les encadrent. C’est dire l’enracinement de cette culture locale, aujourd’hui menacée par l’engouement d’une population croissante qui ignore ou néglige les dangers ou se laisse parfois tenter par des gestes agressifs à l’égard du taureau.
Mis en scène et folklorisés au début du XXe siècle par l’entourage de Folco de Baroncelli, fameux manadier, ces jeux taurins plongent en réalité leurs racines dans un substrat bien plus ancien dont les archives témoignent dès le XVIe siècle. On peut y voir, comme nous y invitent les ethnologues, la ritualisation du perpétuel conflit entre agriculteurs sédentaires et éleveurs gagnant avec leurs taureaux de nouveaux pâturages de façon saisonnière et menaçant l’organisation de l’espace cultivé. La bouvine en Petite Camargue, c’est bien autre chose que du folklore !
Glossaire :
- Baile-gardian (prononcer « bayle ») : responsable de l’organisation de la manade de taureaux
- Manade : troupeau
- Gardian : bouvier à cheval
- Pays : ici terrain de pâture des taureaux
- Simbèl ou simbèu : taureau apprivoisé, muni d’une sonnaille, qui sert de meneur aux autres bêtes
Bibliographie
- Jacky Siméon, Une cocarde d’or et de sang, Actes Sud, 2002.
- Jean-Noël Pelen et Claude Martel, L’homme et le taureau en Provence et Languedoc, Glénat, 1990.
- Jean-Luc Saumade, Des sauvages en Occident : Les cultures tauromachiques en Camargue et en Andalousie, Pars, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1994.