Georges Brassens en vacances à Sète
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Georges Brassens est interviewé à Sète, sa ville natale, dans la maison de ses parents. Il y passe ses vacances chaque année. Il évoque ses passe-temps préférés : naviguer sur l’étang de Thau dans son bateau, le Sauve-qui-peut, nager, pêcher des moules, voir ses amis... Le journaliste l’interroge ensuite sur son prochain tour de chant à l’Olympia à Paris.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
26 juil. 1961
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Contexte historique
ParDocteur en sociologie
En 1961, Brassens a 40 ans, et déjà près de dix ans de carrière publique. Il a enregistré des dizaines de chansons, et plusieurs sont devenues célèbres. Il traîne pourtant encore la mauvaise réputation de ses bêtises d’adolescence, et peut-être de son anticonformisme d’artiste parisien et de ses refrains paillards [1] : il n’est pas assuré d’être le bienvenu au village. Le court entretien avec un journaliste bienveillant rend ainsi une tonalité particulière. Le retour annuel au pays est d’abord l’occasion de se plier aux civilités d’usage : visites à la parenté et aux proches, dont on ne sait trop s’il s’agit de corvées assumées, ou de retour nostalgique aux origines. Puis des après-midi de solitude, agrippé au rocher de Roquerols, à mi-chemin de la pointe sétoise du Barrou et de la pointe de Balaruc. La barque qu’il a achetée lui sert à prendre le large, loin des plages encombrées, accompagné de quelques amis d’enfance. Les copains d’abord viendront un peu plus tard, une fois le passé digéré, ou même post mortem, dans le grand récit mythologique que tout Sète saura construire autour de son fils prodige !
Brassens sétois ? Rien n’est moins sûr, et les retours estivaux paraissent surtout des actes de piété filiale. Il a navigué entre un père maçon, d’origine audoise, clairement anticlérical, et une mère, Elvira Dagrosa, née d’une famille originaire de la Basilicate et fervente catholique : il en a tiré des leçons de tolérance (ou de scepticisme), et probablement les bases d’une morale individuelle qui transparaît dans ses plus grands succès, La mauvaise réputation ou Chanson pour l’Auvergnat.
Si Brassens n’a jamais consacré de chansons à sa ville natale (tout au plus peut-on penser à la célèbre Supplique pour être enterré à la plage de Sète), c’est en accord avec sa conviction : Je ne suis pas une plante, et n’ai donc pas de racines
[2], pour manifester son peu d’intérêt pour l’esprit du lieu. C’est ailleurs qu’il s’est construit, en autodidacte boulimique, et ses sources d’inspiration ne doivent rien à l’imaginaire des ports ni aux horizons méditerranéens. En ce sens, Brassens est beaucoup plus sûrement un auteur-compositeur-interprète du XIVe arrondissement de Paris. Et avant tout, de sa moustache à ses chansons, il personnifie une idée du poète populaire héritier d'un François Villon mythique, tout en incarnant une figure tranquille de la révolte contemporaine contre toute autorité
[3].
Enfin, il n’est pas sans intérêt de remarquer que l’interview est menée par Mario Beunat, journaliste qui fut exclu de l’ORTF après les événements de 1968, et qui laissa un livre de souvenirs sous-titré Hors des sentiers battus... La rencontre de deux non-conformistes.
[1] La mauvaise réputation et Hécatombe de 1952 seront interdites d’antenne durant plusieurs années. Et en 1958 encore, un microsillon s’ouvre sur le titre Le pornographe
[2] Dans sa Ballade des gens qui sont nés quelque part, parue en 1972, Brassens s’en prend au chauvinisme local :
Qu'ils sortent de Paris, ou de Rome, ou de Sète,
Ou du diable Vauvert ou bien de Zanzibar,
Ou même de Montcuq, ils s'en flattent mazette,
Les imbécil’s heureux qui sont nés quelque part.
[3] Bertrand Dicale, Brassens ?, Paris, Flammarion, 2011.
Transcription
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