Les différentes étapes du lancement d'un chalutier
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Résumé
À Sète, au chantier naval de la famille Aversa exploité depuis trois générations, un nouveau chalutier vient d’être terminé et mis à l’eau. Interviewés par la journaliste Anne-Marie Rozelet, Marc et André Aversa décrivent les étapes de la construction du bateau entièrement réalisé en bois.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
30 déc. 1967
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Contexte historique
ParChercheur et doctorant en études occitanes, Université Paul Valéry Montpellier
C’est à Sète, côté étang de Thau, que ce reportage a été tourné, rue des Chantiers, au quartier de la Plagette. Nous sommes chez les Aversa, chantier naval renommé, développé dans l’entre-deux-guerres par le grand-père Luigi. Luigi Aversa, arrivé d’Italie du sud quelques décennies plus tôt, avait choisi de débarquer à Sète où faisait escale le grand voilier en partance pour l’Amérique, à bord duquel il exerçait son métier de charpentier. Au moment de la réalisation du reportage, à la fin des années 60, c’est la troisième génération des Aversa nés sous l’établi
comme le dira Marc, qui occupe et exploite le chantier.
C’est l’époque où la charpenterie navale sétoise vient de traverser deux décennies florissantes. À Sète, la seconde guerre mondiale a causé la perte d’une importante partie de la flottille de pêche. Le renouvellement des bateaux, les progrès de la construction navale et ceux des techniques halieutiques, imposent aux chantiers de s’adapter. Le chantier Aversa se dote ainsi d’un immense hangar couvert, visible sur les premières images du film qui montrent le lancement d’un chalutier. Deux navires pouvaient y être construits en même temps, comme on peut le remarquer en prêtant attention aux plans qui suivent. Sous l’œil du mèstre d’aissa [1] une bonne dizaine d’ouvriers [2], de demi-ouvriers [3] et d’arpètes[4] vont tour à tour mettre en place, à l’aide de palans ou à la force des bras, les lourdes pièces constituant la quille, puis transversalement les membrures, présentées en couples, le tout formant la carcasse, c’est à dire la charpente maîtresse de la nouvelle embarcation.
On pourra voir, au hasard des images, une imposante quantité de serre-joints nécessaires au maintien et à l’ajustage de ces pièces, la finition au rabot ou à l’herminette et le difficile cloutage, à la masse des pièces de membrure. Une image rapide montre également un autre mode d’ajustage, en zigzag, entre la pièce d’étrave et la quille, selon une méthode dite du trait de Jupiter
. Peu d’images sont consacrées aux opérations de bordage qui consistent à doter la coque de son habillage de longues et régulières planches ajustées entre elles, cintrées et clouées sur l’ensemble des membrures. Seule une séquence intéressante montre le travail précis d’ajustage à l’herminette [5] sur les bordages, près de l’étambot. La mise en œuvre du pont, « en bois des colonies » [6], est plus développée, on peut voir ainsi la pose et les pièces, barrot et barrotins, qui le supportent. Sur le pont en place, on remarquera quelques plans rapides de calfatage, puis des opérations de masticage et de mise en peinture, avant la satisfaction du lancement.
Malgré l’attachement au métier et au chantier largement exprimé par les cousins Aversa, nous sommes à un moment où l’évolution du modèle économique de la pêche et les progrès techniques vont précipiter le déclin de la charpenterie et des chantiers maritimes traditionnels, à Sète en particulier. Les métiers de la construction navale traditionnelle vont, en une décennie, laisser place aux matériaux de synthèse, plastiques ou composites, qui permettent des réalisations plus rapides et moins coûteuses d’embarcations beaucoup plus grandes, d’entretien plus facile et répondant aux besoins techniques et économiques de la pêche moderne.
Aujourd’hui, les derniers charpentiers se sont reconvertis à la polyvalence des matériaux. Ils sont rejoints par quelques jeunes artisans, compétents et passionnés, qui, étant donné la rareté des nouvelles constructions, se consacrent à l’entretien des dernières embarcations traditionnelles ou tentent une reconversion dans le bateau de caractère ou de luxe, une spécialité en général rare et sélective.
[1] Mèstre d’aissa, maître de hache : maître charpentier. En général patron du chantier, il dirige les travaux de construction, détient les connaissances techniques et les savoir-faire.
[2] « Ouvrier » : rang obtenu en tant que « demi-ouvrier » après une période qui pouvait durer plusieurs années.
[3] « Demi-ouvrier », fonction acquise à la fin de l’apprentissage.
[4] « Arpète » : apprenti « placé » à sa sortie de l’école chez le patron par ses parents. Il est chargé de toutes les tâches subalternes du chantier.
[5] Herminette, aissa en occitan : sorte de hache dont le fer plat est perpendiculaire à un long manche tenu à deux mains. Les charpentiers utilisent aussi une herminette de petite taille (aperçue dans le film) avec un manche court tenu à une seule main, l’aisseta en occitan.
[6] Le pontage. Sur les bateaux de pêche les ponts subissent de fortes sollicitations qui font « travailler » le bois et endommagent rapidement les structures. Les essences exotiques, plus denses, (iroko, doucier…) sont beaucoup plus résistantes aux différences de température et d’humidité, et à l’usure, que les essences autochtones, pin en particulier.
Transcription
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