La macaronade de moules
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Dans le quartier de la Pointe Courte à Sète, M. et Mme Brel réalisent pour les téléspectateurs une macaronade aux moules farcies. Le nettoyage et l’ouverture des moules provenant de l’entreprise familiale sont assurés par François Brel ; la longue préparation de cette spécialité sétoise est réservée à Nina Brel.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
21 oct. 1980
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Contexte historique
ParDocteur en sociologie
Dans le répertoire culinaire sétois, deux spécialités tiennent la vedette, la tielle et la macaronade. Selon la tradition orale locale, toutes deux sont issues de la région du golfe de Naples, et tout particulièrement des ports de pêche d’où viennent la majorité des familles italiennes de la ville [1]. La première doit probablement son succès actuel à son mode de consommation très moderne. Inutile de s’attabler et de sortir couteau et fourchette, cette tourte fourrée de poulpe et de sauce tomate s’avale volontiers en se promenant, sur le trottoir : logique du fast-food. Le cas de la seconde est plus complexe. Les recettes courantes accompagnent les macaronis d’un ragoût fait d’un choix assez libre de viandes et de charcuteries. Mais le reportage de Pierre Bonte, qui date de 1980, nous propose un plat beaucoup plus complexe à base de moules. Peut-être pas très coûteux, aux dires de la cuisinière, mais suffisamment long à préparer pour être réservé à des circonstances particulières, comme celle de recevoir des vedettes de la télévision.
La recette proposée par Pierre Bonte [2] s’inscrit dans un contexte local très précis. François Brel, né à Bouzigues, au nord du bassin de Thau, est d’une famille de pêcheurs en étang. Il est venu s’installer très jeune à Sète, dans le quartier de la Pointe Courte, au nord de la ville, qui regroupe les mytiliculteurs et les petits pêcheurs [3]. Les parcs à moules y sont à portée de barque. Brel est donc un représentant caractéristique de la population des pêcheurs en étang, d’origine languedocienne, qui se distingue des pêcheurs en mer regroupés au sud de la ville, autour du port, et majoritairement d’origine italienne. Pour autant, ces deux populations ne forment pas des groupes étanches, et la famille Brel est un exemple de porosité ethnique. Madame Brel, dite Nina, est en effet d’origine italienne, et son père, Dominique Faraco, est un ouvrier ferblantier-étameur, venu du sud de l’Italie [4]. Français ou Italiens, les Brel et les Faraco sont voisins, ces derniers habitant dans le quartier mitoyen de la Bordigue. Il n’est donc pas étonnant que les habitudes alimentaires se soient mêlées, et que les macaronis italiens aient rejoint les moules languedociennes.
Il convient enfin de dire quelques mots de l’espace de vie de la famille Brel. Le choix de Pierre Bonte, en recherche de pittoresque, pour la Pointe Courte s’imposait, tant ce quartier, rendu célèbre par le film d’Agnès Varda [5] fait figure de haut lieu de la culture populaire sétoise. A l’origine, il s’agit d’un terrain vague laissé à l’abandon après le chantier de construction de la gare de Sète et de la voie ferrée Toulouse-Montpellier, dans les années 1840. Son occupation progressive par les petits métiers de la pêche, en toute illégalité, a conforté un modèle d’habitat précaire que seule une décision de la Mairie finit par entériner. Il s’agit donc d’une cabanisation
réussie, aujourd’hui moins menacée par l’insalubrité ou les risques d’incendie, que par l’invasion insidieuse des touristes. Le prodigieux destin de la Pointe Courte pourrait cependant inspirer les autorités promptes à bétonner le littoral aux dépens des gens de peu.
[1] Depuis la fin du XIXe siècle, les deux ports de Gaeta et de Cetara ont fourni de forts contingents de familles de pêcheurs qui ont émigré vers Sète.
[2] Peut-être un clin d’œil à la chanson de la pêche aux moules qui a rythmé une célèbre émission dominicale.
[3] L’ostréiculture s’est plutôt développée dans les communes riveraines du nord de l’étang, telles que Bouzigues ou Mèze.
[4] Plus précisément de Maratea, village de Basilicate, d’où il serait venu avec Marie Vincente Limongi, la mère de Nina.
[5] La Pointe courte, sorti en 1955, avec Philippe Noiret et Silvia Monfort, fait de ces cabanes de pêcheurs un paradis menacé par la « civilisation » extérieure. Ce premier film d’une toute jeune cinéaste a fixé l’attention sur elle autant que sur les paysages et les habitants.
Transcription
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