Joutes et musique traditionnelle pour la fête de la Saint Louis
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À Sète, la fête de la Saint-Louis est célébrée depuis 1666, date de la création de la ville. Le tournoi de joutes, accompagné par les hautbois et les tambours, représente l’événement majeur de la manifestation. En 1993, le Conservatoire de la ville a ouvert une classe de musique traditionnelle qui permet à de jeunes hautboïstes de « reprendre le flambeau des anciens » et de consolider une pratique instrumentale emblématique.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
27 août 2018
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Contexte historique
ParEthnologue, chef du service patrimoine au Département de l’Hérault
Depuis la fondation de Sète en 1666, la Saint-Louis, fête patronale de la ville, a toujours été célébrée avec faste, avec comme point d’orgue les tournois de joutes nautiques, accompagnés par les hautbois et tambours. A la fin du XVIIIe siècle, Pierre-Paul Aleman décrit déjà la ritualité strictement fixée des défilés de jouteurs qui, depuis l’Hôtel de Ville, en deux files et drapeaux déployés, parcourent les rues de la cité, au son des instruments de musique. Vient ensuite l’affrontement, depuis leurs barques respectives, des jouteurs de la troupe des mariés et de celle de la jeunesse : les premiers sur la rouge, les seconds sur la bleue. Aleman précise : « Les instruments de musique dont on s’est toujours servi pour la fête ont été les hautbois, deux pour chaque troupe, et sont même ceux dont le son fait plus de plaisir aux Demoiselles »
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, dans le contexte du développement économique du port, les festivités de la Saint-Louis gagnent encore en magnificence avec des feux d’artifice et des illuminations, des régates, le jeu du Capelet, des combats simulés de Turcs et de Maures, de multiples concerts de sociétés musicales, des bals populaires, et, principale attraction, des tournois de joutes encore et toujours. Cette époque, où tout Sète se prend de passion pour la musique, voit l’intégration de fanfares dans les défilés, mais en conservant toujours une place centrale pour les hautbois et tambours. Durant une courte période pourtant, autour des années 1880, la ville ne compte plus aucun joueur de hautbois, faute sans doute de transmission de ce savoir de tradition orale. C’est pourquoi, encore aujourd’hui, le premier défilé du vendredi débute à la gare avec la « réception des hautbois », souvenir du temps où ceux-ci arrivaient en train depuis Montpellier ou Villeneuve-lès-Maguelone. Le manque sera vite comblé, avec l’apprentissage à la fin du XIXe siècle d’Antoine Aillaud, Auguste Azaïs et Benjamin Verdier. Autour de 1900, Albin Briançon et ses deux fils Emilien et Edouard, hautboïstes originaires de Brignon dans le Gard, s’installent à Sète. D’autres joueurs de hautbois du pourtour de l’étang viennent ensuite les épauler… ou les concurrencer. Les joueurs de hautbois ne firent donc pas défaut pendant toute la première moitié du XXe siècle.
Pour suivre les tournois de la Saint-Louis, une foule dense se presse sur les gradins, les quais, les barques, les ponts. Les plus chanceux profitent des balcons des maisons surplombant le canal où une banderole proclame à l’intention des voisins des villes et villages alentour : « Soyez les bienvenus ».
Au tournant des années 1960, les derniers joueurs de hautbois de la vieille génération cessent leur activité ou disparaissent sans successeurs. Après la seconde guerre mondiale, l’activité des hautbois autrefois si rémunératrice s’est en effet progressivement réduite à l’animation des seules joutes, tarissant ainsi les vocations. In extremis, le relai sera pris au début des années 1970 par des musiciens issus du mouvement de renouveau des musiques traditionnelles. Technique de jeu, transmission du répertoire, fabrication des instruments : toute une pratique instrumentale se reconstruit peu à peu. Hautbois et tambours reprennent alors la place emblématique qu’ils avaient quelque peu perdue.
Pour conforter cette transmission, une classe de hautbois et de tambour traditionnels est ouverte en 1993 au Conservatoire de Sète, avec comme enseignants Alain Charrié, hautboïste et acteur clé de ce renouveau, qui apparaît dans l’archive aux côtés de ses élèves, et pour le tambour Jean-Louis Zardoni, héritier d’une longue lignée de joueurs de tambours et de hautbois sétois, puis Daniel Tournebize. Ce sont trois jeunes musiciens issus de cet enseignement que nous découvrons dans ce reportage, en tenue blanche, canotier sur la tête, avec cocardes et galons, rouges ou bleus selon la barque sur laquelle ils prendront place avec les jouteurs.
Durant les fêtes de la Saint-Louis, du jeudi avec les tournois des enfants sur charriot, jusqu’au lundi, jour du Grand prix, tournoi le plus prestigieux, ils accompagnent les défilés dans les rues de la ville le matin, puis les tournois de joutes jusqu’au soir, exercice qui demande une bonne endurance. Chaque temps de la fête a son répertoire propre, avec sur les barques, l’air de la charge, puis du jouteur qui tombe à l’eau inlassablement répétés. Dans la vidéo, nous les retrouvons pour le défilé du dimanche matin, depuis le Théâtre jusqu’à la Mairie, puis sous la voûte des lances entrecroisées lors de « la descente de la Bourse » moment solennel entre tous, avant l’embarquement. En cette année 2018, les hautbois de Sète ont convié, fait inédit pour un défilé de la Saint-Louis, leurs homologues des autres régions occitanes et catalanes. La réussite de ce rassemblement servira de prélude à la constitution, en 2019, de la fédération occitano-catalane des hautbois populaires, Hautbois et Cie.
Bibliographie
- Pierre-Paul Aleman, Précis sur les règles pour la fête et les joutes qui se font à la Ville de Cette le jour de St Louis, Avignon, F.-J. Domergue, 1764.
- Pierre Laurence ,« Variations sur un même instrument : le hautbois en Bas-Languedoc du XVIIe au XXe siècle », Le Monde alpin et rhodanien, L'identité vécue. Discours, rites, emblèmes, vol1-2, 1993, pp. 85 - 126.