Pierre Soulages au sujet de la reprographie artistique
Notice
Pierre Soulages est l'invité de Michel Field dans sa toute jeune émission Le cercle de minuit sur France 2. Durant cet entretien le peintre émet des réserves sur la pertinence de la reprographie des œuvres en publication artistique.
Éclairage
L'émission Le cercle de minuit, débutée le 7 septembre 1992 sur France 2, proposait quotidiennement et en direct l'essentiel de l'actualité artistique et culturelle du moment. Pierre Soulages fut un des premiers invités de Michel Field, son présentateur. Ce document permet de cerner l'ambiance qui régnait sur ce plateau mais aussi et surtout la manière dont Pierre Soulages aime mener ses entretiens. La méthode d'interview de Michel Field reste très ouverte et l'artiste en profite pour l'emmener vers un sujet qui lui tient à cœur : celui de la reprographie artistique.
De son point de vue, bien souvent les reproductions en catalogue desservent les œuvres d'art ainsi que les amateurs de ce type de tirage. La reproduction biaise parfois la notion de format, de rapport à l'œuvre, de lumière et dans le pire des cas de couleur et de contraste. La réflexion que mène Pierre Soulages dans ce document démontre son profond intérêt pour la présentation et l'appréhension de ses œuvres par le spectateur. En effet, les œuvres de Pierre Soulages possèdent la particularité de s'activer par la présence du regardeur, par ses mouvements dans l‘espace autour et face à elles et par l'expérience sensible qu'il peut faire de leur matérialité. La reproduction brute des œuvres de Soulages annihile donc toute expérimentation sensorielle du spectateur.
Dépendant de la société de l'image, de la communication et de la mondialisation de l'information et de la donnée, Pierre Soulages comme bien d'autres artistes a dû innover pour communiquer autour de son travail et protéger ses œuvres de toute mésinterprétation induite par une reproduction biaisée. Afin d'éviter cet écueil, Pierre Soulages a eu la volonté dès les années 1960 de présenter ses œuvres au sein même des espaces d'expositions qu'il a lui-même conçus pour les mettre en valeur. Ses peintures sont donc le plus souvent possible photographiées sur cimaises ou sur câbles, de biais, frontalement, ou dans une appréhension plus globale de l'espace d'exposition. Selon Pierre Soulages, c'est la seule et unique manière de restituer la plasticité de l'œuvre, d'en imposer la matérialité au regardeur d'une image.