Journaliste
Maintenant la voix de Pierre Soulages.
Pierre Soulages à connu Hans Hartung en 1947 et il parle d'une amitié qui a duré plus de 42 ans.
Pierre Soulages
Ce n'est pas en quelques minutes qu'on peut évoquer les 40 années d'amitié.
Une amitié qui a été très proche dans les premières années puisque je l'ai connu au moment du Salon des Surindépendants en 47.
C'est sa femme de l'époque Roberta González, qui nous a fait se rencontrer mais après, plus tard, les relations amicales se sont un peu distendues parce que à cause de l'éloignement d'une part et dans ces dernières années à cause des difficultés de communication qu'il avait.
Mais je l'avais vu encore tout récemment, il y a même 2 deux ans au moment de Noël, j'avais passé la journée de Noël avec lui.
Journaliste
Pierre Soulages, est-ce que on peut évoquer avec vous la façon dont il regardait la peinture des autres ?
Est-ce que c'etait un homme qui avec son âge pouvait vous donner des conseils ?
Est ce que vous parliez peinture ensemble ou bien est-ce que c'etait un domaine séparé et que l'amitié n'était pas là dedans ?
Pierre Soulages
Sûrement, nous parlions de peinture d'ailleurs la dernière fois que je l'ai vu, après quelques difficultés de communication qu'il avait le premier jour, le lendemain il était tout à fait bien.
Ca se passait chez lui à Antibes, et il m'avait dit, je voudrais avoir une conversation esthétique avec toi.
Il faudrait que nous allions à l'atelier.
Nous étions allé à l'atelier, nous avions bavardé mais ce n'étaient plus les conversations que nous avions dans les premières années.
Vous savez, il faisait partie de ce groupe dans les années 47 qui était hostile finalement au dogmatisqme de l'art abstrait de l'avant-guerre.
Celui de l'abstraction gémométrique, mais aussi celui du surréalisme, et finalement hostile à toutes les écoles.
Alors ce groupe, il y avait Atlan qui pensait différemment de Hartung, Hartung et moi, qui était de beaucoup le plus jeune.
Il y avait aussi Schneider puisque nous étions dans la même galerie, Hartung, Schneider et moi qui était la galerie Lydia Conti.
Et c'est d'ailleurs lui, Hartung, qui avait amené Lydia Conti à mon atelier, galerie qui a été la mienne et la sienne jusqu'à la fermeture.
Avant que nous nous retrouvions ensemble plusieurs années, pendant plusieurs années à la galerie Carré par la suite.
Et que ensuite encore, il va me rejoindre en 56 à la galerie de France.
Mais c'était autre chose qu'un camarade de galerie tel que je l'exprime maintenant.
Les conversations que nous avions sur la peinture surtout dans les années de début, au fond, nous n'étions pas d'accord tout à fait sur ce que nous demandions à la peinture.
Ni Atlan, ni Hartung, ni moi.
Et ça nourrissait les conversations.
Lui, au fond, il me paraissait avoir un projet plus expressionniste que celui que j'avais, le mien ne l'était pas, comme en témoignent d'ailleurs les déclarations réciproques qui ont été imprimées dans les catalogues dans les années 47, 48.
C'était en tout cas très différent aussi de ceux qui pensaient leur peinture comme Atlan par exemple.
Mais ce que nous avions en commun je le répète , c'est que nous étions tous très loin des dogmatismes, de celui de l'abstraction géométrique d'avant-guerre, comme de celui du surréalisme.
Alors ça c'étaient les conversations que nous avions mais au fond là ou nous nous entendions presque toujours et même on peut dire toujours, c'est sur ce que nous pensions de la peinture des autres.
De ce qui se faisait à ce moment là.
Voilà ce que je pourrais dire en résumé des relations que j'ai pu avoir avec lui sur le plan esthétique comme il me l'a dit il y a deux ans.
Journaliste
Alors en définitive ce que vient de nous dire Pierre Soulages au téléphone, c'est que au fond ce qui les rassemblait c'était leur opposition et peut-être pas du tout leurs traits communs.
Alors est ce qu'on parler d'un groupe qui a existé, il a été amical c'est vrai, ça se déclinait presque Soulages, Schneider, Hartung, ça se disait, c'était une bande et je crois qu'ils se téléphonaient souvent pour savoir comment se comporter dans l'existence des marchands.