Festival de flamenco : Andres MARIN
Notice
Le festival Flamenco à Nîmes, dans les pas d'Andres Marin, un danseur sévillan qui a donné le ton de ce grand rendez vous... Une star et un portrait tourné à Séville. Notez la prise d'antenne exceptionnelle ce soir aux alentours de minuit... Une nuit flamenco à Nîmes.
Éclairage
Andrés Marín, un flamenco de la chair
Vingt ans après l'accession de l'Espagne à la démocratie, une génération de danseurs imprime un élan nouveau à la danse flamenca. Elle se tourne vers d'autres styles de danses, contemporaine ou indienne, ouverture apportée entre autre par la formation initiale de Bélen Maya (née en 1966). Elle cherche à travers d'autres répertoires musicaux étrangers au flamenco, des clés pour réévaluer les interactions entre danse et musique. Cette approche fut initiée notamment par María Pagés (née en 1963) dans le spectacle Tango dirigé par José Luis Ortiz Nuevo à l'occasion de la VII Biennale d'Art Flamenco de Séville en 1991 ; il s'agit de mettre des pas issus de la danse flamenca sur des tangos argentins d'Astor Piazzola [1].
Selon José Luis Navarro García, le 23 septembre 1996 scelle les premiers frémissements d'une nouvelle révolution esthétique du flamenco. Ce jour là, Andrés Marín (né en 1969) se produit au Théâtre de la Maestranza de Séville : il y interprète une soleá por bulerías qui remet en question les bases du langage chorégraphique et présage des changements imminents qui allaient marquer de façon irréversible la danse flamenca. Israel Galván relève ce défi depuis 1998. Ces deux danseurs chorégraphes font de Séville la capitale du renouveau de la danse flamenca.
Andrés Marín s'attaque aux clichés et aux stéréotypes qui collent encore au flamenco en les rejetant de ses spectacles. Il élabore pas à pas une danse qui se défait de ses oripeaux afin de recentrer l'expression moins sur l'émotion, mais sur la sensation. La danse s'épure, devient extatique et met à l'épreuve le public à l'image du projet artistique d'Antonin Artaud : Le Théâtre de la cruauté.
Cependant sa danse reste fidèle au Décalogue de Vicente Escudero [2]. Elle en respecte l'esprit, tout en sobriété, maîtrise de soi, excluant toute théâtralité, toute excessivité émotionnelle. Elle construit des lignes à l'image d'un tableau abstrait. Sa rencontre avec le chorégraphe Kader Attou en révèle toute la portée dans leur Duo (2013), puis dans Yatrá (2015). La danse athlétique, virevoltante et horizontale du hip hop se construit en contrepoint sur une trame de verticalités et d'obliques. Le corps n'est que mouvement. Il déploie à l'image du chant flamenco ramassé et puissant des paysages sonores agrémentant les frappes de pieds – zapateados – de sonorités inventives ou incongrues.
Sa pratique de la sobriété et de l'épure s'enracine dans sa fascination de la mystique exprimée en Andalousie, notamment à l'occasion de la Semaine Sainte. Les spectacles La Pasión según se mire (2010) et Tuétano (2012) en dévoilent la mascarade dans l'un, et toute la violence dans l'autre. La ville de Séville devient le théâtre d'images saintes qui rend palpable par la lenteur des processions, le temps suspendu à la prière, ce temps in tempore de l'enfance du monde. En devenant le personnage d'un roi déchu dans le spectacle de Bartabas Golgota (2013), Andrés Marín rappelle comment la danse peut révéler l'homme à lui-même, le transfigurer ou encore le ramener aux premières formes d'expression du sacré.
[1] Navarro Garcia, José Luis, Historia del baile flamenco. Vol. V., Séville, Signatura, 2005, p. 105-106.
[2] Le Décalogue a été expliqué et illustré par Vicente Escudero dans El Trascacho, lieu de rencontres artistiques à Barcelone dans la nuit du 9 décembre 1951 selon le témoignage d'El Faraute ainsi que le rapporte Jean Dorcy dans son livre intitulé Deux visages de la danse espagnole avec cinq hors textes, Paris, Les Cahiers de « Danse et culture », 1955, p. 38.