Cinquantenaire de la création de La Cantatrice chauve
Notice
A l'occasion du cinquantenaire de la création de La Cantatrice Chauve, retour sur le parcours de cette pièce au théâtre de la Huchette. Dans ce théâtre, en effet, depuis 50 ans, se joue la pièce la plus célèbre d'Ionesco, telle qu'elle fut mise en scène à sa création. Le metteur en scène et un des acteurs témoignent des réactions mitigées du public à la création de la pièce, et des images d'archives proposent un commentaire de l'auteur lui-même.
Éclairage
Lorsqu'il écrit La Cantatrice chauve, Ionesco la qualifie d'« anti-pièce ». Ce texte, écrit, d'après l'auteur, en s'inspirant des phrases sans queue ni tête contenues dans un manuel pour apprendre l'anglais, est devenu l'un des modèles de ce qu'on a appelé le Théâtre de l'Absurde, renouveau du théâtre dans les années cinquante. Dans La Cantatrice chauve, tous les canons du théâtre sont mis à mal : il n'y a pour ainsi dire pas d'intrigue, ce qui est annoncé n'arrive jamais, et les personnages sont interchangeables, à tel point que le metteur en scène Nicolas Bataille, à la création de la pièce, décidera d'intervertir les couples dans la scène finale de la pièce, qui voit le recommencement de l'action. Les dialogues sont décousus, semblant n'avoir ni queue ni tête. Des personnages apparaissent sans explication – à l'image de ce capitaine des Pompiers qui vient demander s'il n'y aurait pas un petit feu à éteindre... La pièce se construit en singeant le théâtre bourgeois et ses codes, en s'en jouant allègrement pour mieux en montrer la superficialité.
A l'époque de sa création, en 1950, comme en témoignent Nicolas Bataille, Marcel Cuvelier et Ionesco lui-même, la pièce est mal reçue. Quelques années plus tard, elle fait le succès du Théâtre de la Huchette, où elle est reprise en même temps que La Leçon. Un succès qui ne s'est pas démenti depuis, les productions d'Ionesco ayant pour ainsi dire assuré la pérennité du petit théâtre du Quartier Latin, où les autres salles d'avant-garde qui fleurirent dans les années cinquante ont depuis longtemps disparu.
Comme l'indique la journaliste en lancement du reportage, la longévité de cette programmation est exceptionnelle. La pièce a été jouée pendant cinquante ans, sans interruption. Certes, une partie de la distribution a été modifiée – il existe des doublures, de façon à ce que les acteurs ne jouent pas tous les soirs – mais pour l'essentiel, l'esprit et l'esthétique de la création sont préservés. Il est alors intéressant de constater que la mise en scène, la pièce, et le lieu dans lequel elle est programmée, qui avait au départ une vocation avant-gardiste, se sont peu à peu orientés vers une démarche muséale. La Cantatrice Chauve est une des rares pièces dont on peut encore voir la mise en scène de création, pour ainsi dire inchangée. Cette logique suit le destin de la pièce, écrite contre un théâtre enfermé dans ses codes et ses traditions, devenue un classique figé dans le temps.
Exemplaire des petits théâtres de la rive gauche qui se sont ouverts à la faveur du renouveau théâtral des années cinquante, le théâtre de la Huchette, inauguré en 1948, a permis la découverte de nombreux auteurs du Nouveau théâtre, tels que Jacques Audiberti, Jean Genet, et, bien sûr, Eugène Ionesco. Elle est une des seules salles de ce type qui soir parvenue à survivre, en grande partie grâce au succès de La Cantatrice Chauve, désormais passage incontournable des visites touristiques de la capitale.