Marion de Lorme de Victor Hugo

12 octobre 1998
02m 14s
Réf. 00344

Notice

Résumé :

Reportage sur les répétitions de Marion de Lorme de Victor Hugo au théâtre de Lorient avec Jutta-Johanna Weiss dans le rôle titre. Interview du metteur en scène, Eric Vigner.

Date de diffusion :
12 octobre 1998
Source :
FR3 (Collection: JT Rennes midi )
Fiche CNT :

Éclairage

Marion de Lorme, drame en cinq actes écrit pendant juin 1829 et créé un an et demi après Hernani – objet d'une célèbre querelle littéraire – a d'abord été frappé d'interdiction. « Il y a eu [...] veto de la censure, écrit Hugo dans sa préface, prohibition successive des deux ministères Martignac et Polignac, volonté formelle du roi Charles X » [1], alors même que la pièce avait été reçue par la Comédie-Française. La pièce met en effet en scène sous un jour peu flatteur Louis XIII – que son bouffon et son ministre manipulent à leur guise – et érige en femme exemplaire une courtisane, une prostituée de haut rang, Marion de Lorme, dont l'histoire n'a retenu que les aventures avec le Roi. Hugo était par ailleurs connu pour la versatilité de ses opinions politiques et, au moment où la pièce devait être jouée, pour son opposition à un régime qu'il avait autrefois loué. C'est donc seulement après la chute des Bourbons et l'échec de la Restauration que le texte de Marion de Lorme trouva toute la légitimité nécessaire pour être porté à la scène, en 1831, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, avec dans le rôle principal l'une des égéries des auteurs romantiques, Marie Dorval qui, dans un jeu à la sensibilité exacerbée, incarnait à merveille les préceptes romantiques d'un art au plus proche de la vérité des sentiments et des passions (Hugo note à propos de son interprétation que Marie Dorval, au cinquième acte, est « constamment pathétique, déchirante, sublime, et, ce qui est plus encore, naturelle » [2]). Le rôle de Marion de Lorme sera repris plus tard, dans le même théâtre, par Sarah Bernhardt, qui jouera aussi la pièce à la Comédie-Française, avec Mounet-Sully dans le rôle de Louis XIII, en 1905. Depuis, la pièce est tombée en désuétude, pâtissant sans doute de longueurs et de développements « dans le nouveau goût » dont Hugo est généralement friand et où se mêlent à la fois détails historiques, gravité et lyrisme. Elle n'a été mise en scène que ponctuellement – à la Comédie-Française en 1922, avec Cécile Sorel, Pierre Fresnay, Maurice Escande et Fernand Ledoux dans les principaux rôles – et a quasiment disparu de l'affiche des théâtres subventionnés, jusqu'à sa remise sous les projecteurs par Eric Vigner, au Centre dramatique de Bretagne, en 1998.

[1] Victor Hugo, préface de Marion de Lorme, in Théâtre, vol. 1, Victor Lecou, J. Hetzel et cie éditeurs, Paris, 1855, p. 98.

[2] Victor Hugo, note I sur Marion de Lorme, in Théâtre, vol. 1, Victor Lecou, J. Hetzel et cie éditeurs, Paris, 1855, p. 246.

Céline Hersant

Transcription

Denis Podalydès
Marion de Lorme sur les planches, cette héroïne née sous la plume de Victor Hugo a séduit Eric Vigner du centre dramatique de Lorient. Il a donné ce rôle principal à une actrice autrichienne, Jutta Johanna Weiss. Une actrice qui a déjà une carrière internationale importante, mais qui joue là son tout premier rôle en France. Un reportage de Roger Bendayan, et Eric Nedjar.
Journaliste
Après avoir créé L’Illusion comique de Corneille, Eric Vigner s’installe à la tête du centre dramatique de Lorient. Il s’attaque de nouveau à un gros morceau, Marion Delorme de Victor Hugo.
Eric Vigner
Marion Delorme est une femme de la haute prostitution. Ce n'est pas une prostituée, je dirais, qui fait le trottoir, ce n'est pas tout ça. C’est les femmes du XIXe siècle qui ont un hôtel particulier et qui ont beaucoup d’amants, et qui interviennent dans la vie sociale et politique, et dans la vie littéraire. Donc, c’est Marion Delorme et ses hommes. Donc dans la pièce, il y a 10 hommes et une femme.
Jutta Johanna Weiss
Je fais ce que je veux, je veux ce que je dois. Je suis libre, Monsieur.
Comédien 1
Libre, et dites, Madame, sont-ils libres aussi ceux dont vous avez l’âme ?
Journaliste
Un grand classique, avec 15 comédiens, danseurs et musiciens. Mais le regard de l’auteur est contemporain. C’est l’histoire de Marion, une courtisane qui collectionne les amants. Didier en tombe amoureux, et il finira décapité.
Comédien 2
Comme dit Job, la pierre de leur tombeau. Et s'éparpillèrent en foule et à grand bruit sur les théâtres de Paris où le public vint les applaudir.
Eric Vigner
La pièce a été interdite parce qu’il y avait provocation. Provocation dans le sens où cette jeunesse veut accéder à la liberté absolue et contre le pouvoir politique. Veut s’affirmer comme étant libre, veut inventer un monde nouveau, un nouveau théâtre. Voilà, il y a provocation dans ce sens là.
Journaliste
Car cette Marion Delorme est surprenante, avec un accent autrichien guttural. Au lieu de lui donner un air précieux, il apporte une richesse supplémentaire au récit de Victor Hugo, tout en alexandrin.
Jutta Johanna Weiss
Qui prépare l’âme à cette grande ombre et à cette grande lumière.