Les conditions d'enregistrement des séries « Au théâtre ce soir » à Marigny
Notice
Interview de Pierre Sabbagh, expliquant en quoi le Théâtre Marigny est idéalement conçu pour l'enregistrement des émissions « Au Théâtre ce soir ».
- Europe > France > Ile-de-France > Paris > Théâtre Marigny
Éclairage
Dans les années 1950, les dramatiques télévisuelles constituent un moment phare des programmations de la télévision publique. On enregistrait alors les pièces de théâtre dans les studios des Buttes-Chaumont, en noir et blanc. Le pouvoir et les pionniers de la télévision prennent rapidement conscience de la capacité de ce média à toucher un large public et, très vite, les institutions et les instances télévisuelles vont s'attacher à promouvoir des émissions culturelles. La télévision permet en effet de démocratiser les objets culturels pour les foyers même modestes et les spectateurs de province, en proposant des événements à la fois pédagogiques et divertissants (information, documentaires, pièces de théâtre, fictions, etc.) qui leur seraient autrement inaccessibles. C'est dans ce contexte que Jacques Santelli créera notamment la série « Le théâtre de la jeunesse » qui donnera lieu à de nombreuses adaptations de romans du XIXe siècle et dont la plus célèbre référence sera Les Mystères de Paris d'après Eugène Sue.
Dans cette aventure didactique, le théâtre n'est pas en reste et Pierre Sabbagh, en créant la série « Au théâtre ce soir », fera de la dramatique théâtrale l'un des fleurons de la télévision française. « Au théâtre ce soir » sera diffusé de 1966 à 1984 sur les deux premières chaînes de l'ORTF (qui deviendront TF1 et Antenne 2) et bénéficiera rapidement du passage à la couleur (le 1er octobre 1967). L'émission qui au total aura permis la diffusion de près de 400 pièces de théâtres a été aussi un tremplin non négligeable pour un grand nombre d'auteurs et de comédiens de théâtre, dont les noms ou les visages étaient inconnus du grand public. La plupart des pièces étaient mises en scène par Jacques Ardouin, Jean-Laurent Cochet, Robert Thomas ou Jean Piat et ont toutes été réalisées soit par Pierre Sabbagh, soit par Georges Folgoas et avec une équipe qui restera inchangée pendant toute la durée de la série (Jean Jacques Bricaire pour les choix littéraires, l'administratif et les cas-tings ; Fred Kiriloff pour les lumières ; Pierre Billard pour la prise de son ; Yvette Boussard pour le script ; Roger Harth pour les décor et Donald Cardwell pour les costumes dont les deux noms étaient toujours cités à la fin des retransmissions).
Comme l'explique Pierre Sabbagh dans le document présenté ici, « Au théâtre ce soir » constitue en soi une véritable gageure, puisque le dispositif hybride, entre l'enregistrement studio et la représen-tation théâtrale, n'autorise pas les ratés. Le risque de la défaillance technique ou d'une erreur sur le plateau sont irréparables. Cependant, il faut considérer le fait que les pièces, même si elles sont fil-mées en direct et en public, ne sont jamais retransmises telles quelles. Sabbagh ou Folgoas réalisent en effet des captations à partir de deux ou trois représentations avant de monter les meilleures prises et de les diffuser.
Cette archive montre également de façon très intéressante les difficultés inhérentes à l'enregistrement de représentations théâtrales pour la télévision et notamment les contraintes impo-sées par la plantation du décor théâtral. Puisque tout est filmé depuis la salle, les comédiens doivent prendre en compte non seulement le public présent mais aussi le téléspectateur et orienter leur jeu pour faciliter les prises de vue et les prises de son. Quelques pièces ont été enregistrées au théâtre Edouard VII mais c'est surtout au théâtre Marigny – inauguré sous la direction d'Offenbach en 1855, et dont l'architecture a été réaménagée à plusieurs reprises, notamment par Charles Garnier en 1880 – que l'essentiel des enregistrements ont eu lieu. Le théâtre Marigny, qui a connu plusieurs rénovations au cours du XXe siècle, se prêtait idéalement, par son aspect circulaire, ses dimensions et la modernité de ses installations, à l'intégration des équipements télévisuels.