Dommage qu'elle soit une putain, mise en scène de Luchino Visconti
Notice
Mettant en scène en 1961 Dommage qu'elle soit une putain, de l'auteur anglais élisabéthain John Ford, avec dans les rôles principaux Alain Delon et Romy Schneider, Luchino Visconti parle de la pièce et du théâtre élisabéthain. L'entretien est suivi d'un court extrait de la pièce avec les protagonistes, filmés sans public.
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Éclairage
John Ford (1586-1640) – à ne pas confondre avec le réalisateur américain ! – est un auteur dramatique anglais, représentant du théâtre élisabéthain, théâtre aux intrigues foisonnantes, parfois violentes, loin de la bienséance dont fera montre le théâtre classique français du second XVIIe s. Créée entre 1625 et 1630, Dommage qu'elle soit une putain, qui raconte un amour incestueux malheureux entre un frère et une sœur, est un exemple parfait de cette dramaturgie où se mêlent comique et tragique, dans une multiplication d'actions et de personnages secondaires. L'intrigue principale est la suivante : Giovanni et Annabella s'aiment et consomment leur amour. Annabella tombe enceinte et est mariée à un autre pour cacher la vérité, mais Giovanni, continuant à entretenir une relation incestueuse avec sa sœur, ne supporte l'idée de la partager et sa jalousie le conduit au meurtre. Loin de cette bienséance française, où il sera défendu de montrer la mort en scène, ici cinq vont passer de vie à trépas ! Deux personnages secondaires meurent respectivement par l'épée et par le poison. Giovanni poignarde Annabella et brandit le cœur de cette dernière au bout de l'arme en révélant la vérité à leur père qui meurt de stupeur et de chagrin. Enfin, Giovanni tue le mari de sa sœur. Giovanni sera condamné à l'exil. Violences, sarcasmes, cynisme dominent de plus en plus la scène élisabéthaine après la mort de Shakespeare en 1616.
Mettant en scène en 1961 Dommage qu'elle soit une putain, de l'auteur anglais élisabéthain John Ford, avec dans les rôles principaux Alain Delon et Romy Schneider, Luchino Visconti parle de la pièce et du théâtre élisabéthain et rappelle l'importance de l'inspiration italienne (très présente aussi chez Shakespeare) et les sources latines en citant Sénèque. Il parle de la nécessité de revenir aujourd'hui (1961) aux passions exacerbées.
Metteur en scène (théâtre et opéra) et réalisateur, Luchino Visconti (1906-1976) est l'une des figures les plus importantes des arts du spectacle en Italie dans la seconde moitié du XXe siècle. Comme Giorgio Strehler, mais avec des vues esthétiques radicalement différentes, il participe au renouveau de la scène italienne au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Ses réalisations tant scéniques que cinématographiques, saisies entre deux partis pris violemment opposés (réalisme et esthétisme), sont toujours enrichies d'une réflexion profonde sur les liens entre les différents arts (théâtre, opéra, cinéma, peinture, sculpture).
On assiste ici aux toutes premières répliques de la scène des aveux (Acte I, scène 2) : Giovanni ose enfin dire son amour à sa sœur Annabella qui, dans un premier temps esquive par quelques sarcasmes, puis avoue à son tour son amour pour son frère. On voit ici la volonté du metteur en scène de rester fidèle au temps (de l'action et de l'écriture) de la pièce, dans un décor de la Renaissance, étouffant, qui symbolise la mort annoncée de cette relation et de la jeune fille.