Cirque Romanès
Notice
Le Cirque Romanès, installé près de la porte de Clichy sur un terrain vague, présente son spectacle : une succession rapide de numéros rythmée par les chants interprétés par Délia Moldovan-Bouglione. Alexandre Bouglione (alias Romanès) forme les plus jeunes, avant de nous conduire sous le chapiteau pour assister à des extraits du spectacle qui se termine en fête improvisée autour d'un feu de camp.
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Éclairage
En 1973, à 22 ans, Alexandre Bouglione (alias Alexandre Romanès) est considéré comme le « plus jeune dompteur de sa génération ». Cependant, déclarant « Je n'aime pas le cirque ! », il s'éloigne de sa famille. Pour la poétesse Lydia Dattas, avec qui il a vécu, « il n'était pas un homme de spectacle. Il n'aimait pas entrer dans la piste » [1]. Cette rupture de ban le conduit dans la rue où il tente de présenter son numéro d'équilibriste sur échelle en faisant la manche. Il y rencontre Jean Genet, la poésie et la force des mots qui permettent d'appréhender le monde et de voyager. Fréquentant les camps tziganes roumains de Nanterre, il assiste au spectacle improvisé d'une enfant qui fait des contorsions dans le cercle dessiné par les membres du camp, autour du feu. Séduit par l'authenticité et la beauté de la scène, Alexandre Romanès redécouvre le cirque : le « cirque fait comme ça, c'est joli ! ». Reste à concrétiser l'intuition.
L'aventure débute en 1994, sous un chapiteau bleu qui autorise une proximité intime pour vivre l'instant présent. La troupe envahit bruyamment la piste : Alexandre, sa compagne Délia Moldovan, les enfants, les musiciens et des artistes professionnels qui se sont joints à la famille. Ils s'installent sur la rangée de chaises qui fait front au public, juste pour fermer le cercle, le temps de l'échange et n'en repartiront qu'à la fin de la représentation.
Le spectacle de Romanès enchaîne des moments simples, comme des évidences non dépourvues de poésie, les artistes se succédant pour de courts instants, sans l'exubérance de l'exploit et sous le regard complice et bienveillant de l'ensemble des membres de la troupe. Les chants traditionnels tziganes, interprétés par Délia Moldovan [2] avec une vitalité contagieuse, les accompagnent, leur offrent un écrin sonore.
Maintenir sa présence à la barrière revient à participer au soutien collectif de l'artiste qui se jette sous les projecteurs, non pour les dix ou douze minutes traditionnelles qui permettent de faire monter crescendo les difficultés du numéro, mais, le temps d'un morceau de musique afin de multiplier ses apparitions et ainsi de varier les registres d'intervention. Ainsi, les numéros s'intercalent, sans chevauchement, dans la construction d'une palette multiforme.
La piste Romanès a vu grandir ses enfants qui viennent à tour de rôle présenter un petit quelque chose, une façon de dire avec conviction « nous aussi, on sait faire ! », jusqu'à acquérir le savoir professionnel.
Alexandre Romanès tient discrètement le rôle de meneur de troupe en introduisant sobrement les artistes, parfois d'un simple regard ou d'un mouvement d'épaule. Il les assiste pour atteindre leurs agrès, pour les installer, ou encore fait la parade, pour prévenir la chute.
Parce que malgré tout le passé ne s'efface pas et que la référence semble affectueuse, Alexandre Romanès clôture avec la parodie d'un numéro de dompteur avec Nathalie, la chèvre, dans la gueule de laquelle il fait mine d'introduire sa tête. Il ne reste plus qu'au public à accepter l'invitation à déguster les beignets de Fanica.
[1] Alexandre Romanès lui dédicace son recueil de poésie : « Sans Lydie Dattas je n'aurais jamais écrit une seule ligne. Elle m'a montré la phrase qui claque comme le vent dans la voile » (Paroles perdues, Paris, Gallimard, 2004)
[2] Il est possible d'entendre Délia Romanès sur son disque J'aimerai perdre la tête, Caro Line, Janvier 2002.