Les Arts Sauts, Kayassine
Notice
Sous une bulle gonflée d'air, le public prend place sur des transats pour assister à l'envolée des Arts Sauts qui présentent Kayassine, au Parc de la Villette. Stéphane Ricordel, Fabrice Champion et Florence de Magalhaes abordent les questions du rapport à la musique, à l'exploit et l'originalité de la démarche.
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Éclairage
En 1993, dix trapézistes, dont une femme, formés dans des écoles différentes, se regroupent autour de Stéphane Ricordel pour fonder "Les Arts Sauts". Certains d'entre eux s'étaient croisés sur les pistes, notamment autour du « Camion trapèze » [1] présent dans Métal Clown et DJ d'Archaos. Leur objectif est de construire une démarche artistique centrée sur leur spécialité, le trapèze volant. Ils déclarent vouloir « voler comme on nage, comme on respire, comme on aime... se laisser porter par les ailes du désir » [2].
Au-delà de l'engagement artistique, pour assurer leur indépendance économique, ils investissent collectivement dans leur premier portant aérien, structure autonome utilisable en extérieur, puis dans leur chapiteau, concentré de technologie. Elaborée par l'architecte Hans Walter Müller cette structure autoportante, en forme de bulle de 40 m. de diamètre et de 20 m. de hauteur, est constituée d'une double paroi stabilisée par de l'air pulsé. Kayassine se joue en deux temps, qui définissent, selon Hervé Lelardoux, metteur en scène, « deux espaces en un. Au début, on est sous terre, dans une caverne, un lieu de nulle part, à la fois vide et à l'écoute du monde. Ce n'est qu'ensuite que l'on s'élève vers la voûte céleste » [3]. Les spectateurs, allongés dans des transats, répartis de part et d'autre des agrès du pont de volant, sont invités au rêve.
Les Arts Sauts (1994), Kayassine (1998), Ola Kala (2004) et son dispositif en croix, concrétisent l'originalité des Arts Sauts qui se manifeste dans la complexité des enchaînements. Fabrice Champion explique : « Un passage traditionnel pour un voltigeur jusqu'au porteur dure un peu plus de dix secondes, c'est le temps incompressible du ballant : tu t'élances de la plate forme, tu fais deux ballants, tu fais ta figure, le porteur te rattrape, c'est dix secondes. Nous, grâce aux trois porteurs par voltigeur, on arrivait à étirer ce temps à presque une minute » [4]. Les changements de niveau, les croisements possibles entre voltigeurs, les alternances de rythmes structurent la dramaturgie globale. Selon Marc Moreigne « ils ont su créer à travers les lumières et la scénographie, le chant, la musique et l'architecture de la représentation, un véritable écrin à la voltige aérienne, qui a permis de la voir comme on ne l'avait encore jamais vue. » [5] C'est en construisant « des tableaux, des couleurs qui agissent directement sur l'imaginaire du spectateur » [6], que Les Arts Sauts veulent dépasser la stricte évocation de l'envol et de son corollaire la chute liés à leur technique. Refusant tout esthétisme, Fabrice Champion désire qu'il y ait « un équilibre entre l'image et la réalité de ce que l'on fait » [7], autrement dit que s'affirme la matérialité des corps propre à rendre l'exploit humain.
Après avoir acquis une reconnaissance internationale, Les Arts Sauts mettent fin à leurs envolées en 2007. Ils ont réussi à suggérer la possible transgression de l'interdit de vol avec lequel l'homme doit composer.
[1] Le « Camion trapèze » a été conçu par Ernest Clennell, chef des ateliers du CNAC – qui permet à ses élèves de produire leurs premiers agrès – puisque quatre des membres fondateurs de la compagnie sont issus de la 3e Promotion.
[2] Cet extrait est mentionné en exergue du dossier de presse de Kayassine.
[3] Hervé Lelardoux est cité par Véronique Cohen, dans « Sous les trapèzes exactement », Paris, La Scène, 2 novembre 1998, p. 12.
[4] Fabrice Champion, dans Marc Moreigne, Les Arts Sauts, Paris, Actes Sud/CNAC, 2010, p. 51.
[5] Marc Moreigne, Op. cit., p. 13.
[6] Florence de Magalhaes, « L'angoisse est fondamentale dans le trapèze », propos recueillis par Marc Moreigne, dans Jean-Claude LALLIAS (dir.), Le Cirque contemporain, la piste et la scène, Paris, Théâtre Aujourd'hui, n° 7, Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP), 4e trimestre 1998, p. 92.
[7] Fabrice Champion, « L'angoisse est fondamentale dans le trapèze », Op. cit., p. 93.