Compagnie Pocheros, La Maison Autre
Notice
Pocheros (peau-chair-os) présente La Maison Autre. Une succession de tableaux : Bertrand Duval dans son trièdre, Mads Rosenberg et sa massue, Sky de Sela dans son bateau volant ; et quelques mots de Sky et de Adell Nodé Langlois sur les parti pris esthétiques du spectacle.
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Éclairage
La Compagnie Pocheros (prononcer peau-chair-os) créée en 1993 produit son premier spectacle Cirque d'images, mis en scène par Gulko, en 1994. Dans le palc équipé d'un portique évoluent la fragile trapéziste Sky de Sela, Adell Nodé Langlois à la corde lisse, Bertrand Duval dans son trièdre fou et le jongleur Mads Rosenbeck vêtu de son étrange imperméable (tous deux formés au CNAC). Les aléas de la vie des membres de la compagnie, les départs et les arrivées, les naissances aussi, sont indéfectiblement inscrites dans leurs créations. Heureux ou malheureux, sans fausse pudeur mais sans exhibitionnisme, ils affleurent toujours redimensionnés par un parti pris esthétique rendant compte ainsi des interrogations que suscite la vie.
En l'occurrence, lors de la création de La Maison autre (1999), au titre évocateur, la troupe accueille trois sœurs de Sky, Miriam et Ayin, formées tout comme elle au Pickle Family Circus et à l'Ecole Nationale de Cirque de Montréal, et Lhasa [1], dont la voix et la portée des textes ont su séduire à la sortie de son album La Llorona, pour participer à cette production « collective pour sept artistes et un chapiteau » [2]. Acceptant et provoquant de multiples passages et échanges entre les disciplines, mobilisant des matériaux bruts dans un espace sculpté par des volumes en demi-teintes, elle est radicalement inscrite dans le courant du cirque de création.
Dans une piste en parquet, en partie recouverte de sable, chaque artiste avance sa proposition par une succession d'interventions croisées qui lui permet d'élaborer l'histoire de son personnage, dans sa relation à l'autre, aux autres. Les héros se forgent et se dévoilent au gré de instants fragiles et déroutants que nous suivons avec curiosité. Avec pour leitmotiv la cérémonie du thé, alibi aux rencontres déclinées en duo ou en groupe, le spectacle raconte, parmi d'autres, le parcours d'une jeune fille qui construit son envie de voyage et de liberté, à bord d'une machine digne des créations des surréalistes. Ainsi, c'est autour des objets omniprésents – alors que le jongleur est seul avec son unique massue – complices et partenaires que se cristallisent, dans les manipulations qu'ils occasionnent, les angoisses et les peurs, les désirs et les espoirs, l'amour, aussi.
Les interventions chantées emplissent de leur matérialité l'espace. Ces sculptures sonores recontextualisent les univers particuliers et participent à la structure rythmique de la proposition onirique ancrée dans le réel. Selon Jean Duvignau, « pour comprendre ce que la société cherche à travers le rêve des individus », « il faut chercher en deçà de l'identification du rêve et du langage, de l'inconscient et du discours. En deçà d'un symbolisme qui efface la littéralité du contenu des songes et l'existence même de rêveur » [3]. De cette proximité formelle avec le rêve nocturne, nous pouvons envisager la portée utopique du rêve diurne que constitue l'œuvre.
En 2004, Pocheros réalise Entre chien et loup. En 2007, Adell Nodé Langlois crée « Antigone, monologue clownesque ». Sky de Sela s'est déjà éloignée à la recherche de son clown et propose Maintenant.
[1] Le temps de quelques représentations, notamment à la Ferme du Buisson, Sarah Auvray, Olivia Cubero et Louise de La Celle assure la partie musicale et chantée au départ de Lhasa.
[2] Cf. le dossier de presse de la compagnie (1999).
[3] Jean Duvignaud, Françoise Duvignaud et Jean-Pierre Corbeau, La Banque des rêves, Paris, Payot, 1979, p. 163.