Vieux travestis et tendresse salvatrice

26 novembre 2010
02m 12s
Réf. 00749

Notice

Résumé :

Sur une idée de Vanessa Van Durme, acteur devenu actrice, le chorégraphe Alain Platel, le metteur en scène Frank Van Laecke et le compositeur Steven Prengels créent en 2010 Gardenia pour sept vieux travestis.

Date de diffusion :
26 novembre 2010
Source :

Éclairage

Poète des humanités en marge, le turbulent fondateur des Ballets C de la B, à Gand, s'est fait connaître en 1993 avec Bonjour madame, comment allez-vous, il va sans doute pleuvoir, etc, une chorégraphie « brute de décoffrage » fondée sur l'exposition sans fard des rapports humains. Entre grâce et trivialité, Platel a trouvé sa marque de fabrique, celle d'une œuvre étonnante dans laquelle le plus grand raffinement se mêle au prosaïsme le plus cru. Dans Bernadetje (créé en 1996, et accueilli à Paris au Théâtre de la Bastille en 1997), en collaboration avec le dramaturge Arne Sierens, il propulsait des jeunes gens dans un manège d'autos-tamponneuses, transposé sur scène, et parvenait à convoquer, sans chichis ni faux-semblants, toute la gouaille d'une adolescence rugueuse. Dans un contexte tout à fait différent, mais dans le même registre, Alain Platel signe en 2010 le magnifique Gardenia. Ici, les « héros » sont huit anciens artistes travestis, dont la moyenne d'âge oscille entre cinquante-six et soixante-sept ans. « Les démarches sur le plateau en pente, hésitantes, semblent mener de la boîte à la maison de retraite : des paillettes noctambules aux somnifères. Triste comme un dimanche. Tout au premier degré, on va de l'homme à la femme, de l'employé de bureau à l'artiste, du costard à la panoplie féminine. Les metteurs en scène n'ont pas gommé le « mauvais goût » : perruques de traviole, blondeurs Madonna, tics comme des clins d'œil trop appuyés, mains sur les hanches en position matrone, faux cils, robes de divas », écrit le journal Libération lors du festival d'Avignon 2010 [1].

A l'origine de ce spectacle transgenre, loin des clichés : Vanessa Van Durme. Etudiant en art dramatique au conservatoire de Gand, c'est en tant que jeune acteur prometteur qu'il commence au Nederlands Toneel Gent. Un changement de sexe plus tard, elle est cette Vanessa grande gueule d'amour qui racontera son parcours dans un solo, Regarde maman, je danse, mis en scène par Frank Van Laecke, star du théâtre et de l'opéra en Belgique. Alors auteur pour la télévision ou le théâtre de boulevard, Alain Platel lui fera prendre une autre direction en la distribuant dans le rôle d'une mère courage, Tosca, dans la pièce Tous des Indiens (1999). Inspirée par le documentaire Yo soy asi [2], qui conte les déboires d'un cabaret barcelonais de travestis qui ferme ses portes, Vanessa Van Durme convainc sans peine Alain Platel et sa « tendresse salvatrice », Franck Van Laecke, qui cosigne la mise en scène, et le compositeur Steven Prengels, de l'aider à réaliser le projet de spectacle. « Gardenia parle d'espoir, de ces maisons de confiance qui ont disparu, du temps qui passe. C'est une salle de spectacle rêvée où se joue la dernière revue de notre troupe. Mais aucun ne veut arrêter », confiait Vanessa Van Durme [3]. Et le titre, Gardenia ? C'est le nom d'une fleur blanche qui ne vit qu'un jour...

[1] Marie-Christine Vernay, « Gardenia, débauche chorégraphique fleurie », Libération, 12 juillet 2010.

[2] Yo soy asi, film de Sonia Herman Dolz, 2000.

[3] Philippe Noisette, Journal du Théâtre national de Chaillot, novembre 2010.

Jean-Marc Adolphe

Transcription

Présentatrice
A mi-chemin entre le théâtre et la danse, nous découvrons maintenant Gardenia, ce spectacle à l’affiche du théâtre de Chaillot à Paris qui pose la question du vieillissement, du temps qui passe avec beaucoup d’humour et de tendresse. Nathalie Hayter, Jean-Jacques Buty
Comédienne
Chéri Nightingale.
Nathalie Hayter
Au commencement étaient le noir et le gris. Silhouettes figées, visages vieillis, le temps qui passe n’épargne personne, ni les femmes ni les hommes. Mais pour certains, il est plus doux d’être une femme et la couleur fut. Gardenia, c’est le nom d’un cabaret, un cabaret qui va fermer. Haut lieu de l’insolite et de la dérision. Artistes masculins qui jouent au féminin, ce soir-là les travestis remontent sur scène mais pour leur dernière revue.
(Musique)
Alain Platel
Ce qui pour nous était très important, c’est de raconter le côté amer et triste qui entoure les vies de ces personnages-là mais en même temps de faire gaffe parce que le genre d’informations qu’ils nous ont donné pendant les répétitions, c’était justement de ne pas faire une pièce triste.
Nathalie Hayter
Il faut dire qu’aujourd’hui, ils sont presque tous à la retraite même s’ils ont jadis foulé le plancher des cabarets. Elle, en revanche, n’a pas cessé de jouer, et c’est elle aussi qui a monté le projet. Vanessa Van Durme, comédienne et garçon dans sa jeunesse.
Vanessa (Van) Durme
Là, c’était juste après l’opération, j’avais 27 ans là-bas et puis j’étais pendant des années stripteaseuse aussi. Et bien on change. Gardenia parle surtout de ça, de vieillir et de vieillir en beauté.
Nathalie Hayter
Et ils y parviennent nos papys travestis, beaux sous leur maquillage et leurs paillettes. Beaux dans leurs costumes démodés et dans leurs différences.
(Musique)
Nathalie Hayter
Au milieu d’eux, un seul jeune qui représente un peu ce qu’ils ont été. Un brin nostalgique mais pas du tout tragique, on en ressort ému et rajeuni.
(Bruit)