Pina Bausch et Wiesenland
Notice
La chorégraphe allemande Pina Bausch est à l'affiche avec Wiesenland, pièce rapportée de Hongrie.
- Europe > Allemagne
- Europe > France > Ile-de-France > Paris > Théâtre de la Ville
- Europe > Hongrie
Éclairage
Au sens strict, Wiesenland (2000), titre de la pièce de Pina Bausch (1940-2009), signifie « le pays des visons ». Il s'agit plus concrètement de la Hongrie et de sa capitale Budapest où la chorégraphe allemande a séjourné. Elle en a rapporté ce spectacle noyé d'eau et de sensations électriques. Sur le plateau, une immense falaise – le décor toujours impressionnant est signé Peter Pabst - dresse sa silhouette couverte de mousse ruisselante. Dix-neuf danseurs s'en donnent à cœur joie entre numéros théâtraux, proches parfois du ready-made comme celui du vendeur de poules rousses, solos de danse tourbillonnante et jeux d'eau comme savaient si bien les imaginer Pina Bausch. Plaisir de passer la serpillière avec des serviettes de bain blanches, d'envoyer valser des piles de seaux d'eau, de grimper sur le rocher dégoulinant... Le décor se veut toujours terrain de jeu mais obstacle à la danse au sens le plus excitant du terme. Sur une bande-son de musiques toujours plus éclectiques (de Caetano Veloso à Rex Steward), l'explosion de vie, presque hystérique par moment des danseurs, déborde jusqu'à basculer dans le délire. Des paquets de pâtes sont lancés dans le public, des assiettes volent, la table du repas sert de plateau pour la danse, c'est la fête !
Wiesenland (« Terre verte »), dans les costumes de Marion Cito, appartient à la série de spectacles réalisés par Pina Bausch dans le cadre de séjours de création dans les grandes capitales européennes. Après Viktor (1986), inspirée par Rome, elle va amorcer un nouveau mode de travail. Invitée dans de grandes capitales, elle y séjourne pendant environ trois semaines pour nourrir son futur spectacle. Une quinzaine de pièces liées à des villes vont voir le jour : Palerme est au cœur de Palermo Palermo (1989), Hong-Kong du Laveur de vitres (1997), Budapest est évoquée dans Wiesenland (2000)... Puis ce sera le tour d'Istanbul pour Nefes (2003), de Séoul pour Rough Cut (2005)... Le dernier spectacle de la chorégraphe, morte d'un cancer fulgurant en juin 2009, avait été conçu à Santiago du Chili et s'intitule « ... ...como el musguito en la piedra, ay si, si, si....
Délaissant sa veine sombre et souvent dure – en particulier dans les relations hommes-femmes - qui l'a rendue célèbre dans les années 80, Pina Bausch se risque vers des zones plus légères, plus ludiques aussi. Cette ouverture au tournant des années 90 coïncidera avec l'arrivée de danseurs plus jeunes et un désir de joie chez la chorégraphe qui fait le pari du bonheur. Au risque d'ailleurs de déplaire à ses fans décontenancés par ce virage imprévisible.
Avec l'avènement de ces productions, son écriture se cristallise autour de solos somptueux taillés sur mesure pour ses interprètes, de sketches plus théâtraux. Les ensembles et les guirlandes de danseurs qui ont marqué les plateaux disparaissent. Et toujours cet art inné de la transition qui fait circuler l'énergie d'une scène à l'autre, d'un éclat chorégraphique à une pépite théâtrale. L'enchaînement rapide de séquences courtes est soutenu par une bande-son composée de morceaux musicaux extrêmement variés.
Comme toujours depuis 1988, c'est au Théâtre de la Ville, à Paris, que Wiesenland est présenté. Soutenue par Gérard Violette, directeur du lieu de 1995 à 2008, Pina Bausch y a présenté la majeur partie de son répertoire. Ses pièces s'y jouaient à guichets fermés pendant environ trois semaines, ce qui est un record pour la danse contemporaine. Le succès continue depuis sa mort, d'un cancer fulgurant, en juin 2009. Aujourd'hui dirigé par Dominique Mercy, interprète de premier plan depuis 1973, et Robert Sturm, l'assistant personnel de la chorégraphe, le Tanztheater Wuppertal, composé d'une trentaine de danseurs, perpétue son œuvre. Avec le soutien financier de la région Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de la ville, la troupe, dont le budget annuel est d'environ cinq millions d'euros (dont deux millions proviennent des tournées), le répertoire de vingt-cinq pièces environ est programmé dans le monde entier. En juin 2012, dans le cadre des Jeux olympiques, à Londres, une dizaine de spectacles seront à l'affiche pendant un mois. Un événement à la hauteur du phénomène Bausch.