Sasha Waltz et Roméo et Juliette

15 octobre 2007
02m 04s
Réf. 00862

Notice

Résumé :

Invitée à l'Opéra de Paris, la chorégraphe allemande Sasha Waltz a choisi la partition d'Hector Berlioz pour mettre en scène Roméo et Juliette avec les chanteurs et les danseurs de l'Opéra de Paris. Rencontres avec Sasha Waltz et la danseuse étoile Aurélie Dupont.

Date de diffusion :
15 octobre 2007
Source :
A2 (Collection: 20 heures )

Éclairage

La chorégraphe allemande Sasha Waltz, basée à Berlin, a choisi la partition d'Hector Berlioz pour mettre en scène sa version de Roméo et Juliette (2007). Sur une proposition de Brigitte Lefèvre, directrice de la danse à l'Opéra de Paris, elle a accepté de signer une superproduction rassemblant une centaine de personnes, danseurs et chanteurs réunis.

C'est la première fois que Sasha Waltz se retrouve face aux interprètes de la prestigieuse troupe parisienne. Celle qui a su évoquer avec la danse nombre de sujets difficiles comme la Shoah, la cruauté, la difformité, mais aussi la simple beauté d'un corps qui danse, affronte l'histoire d'amour tragique immortalisée par Shakespeare. Son parti-pris, très sobre, s'appuie sur une scénographie épurée, composée de blocs savamment articulés. La palette de couleurs va du blanc au beige en passant par le doré et le gris perle. La tragédie devient un jeu de forces, de tensions, entre la danse et le chant, les masses humaines et le poids du décor.

Avec cette version de Roméo et Juliette, reprise en 2012, Sasha Waltz rejoint la cohorte des chorégraphes amoureux des amoureux de Vérone. Le premier spectacle sur ce motif fit son apparition en 1940 dans la chorégraphie de Léonide Lavroski sur la partition composée par Prokofiev six ans auparavant. Frederick Ashton, premier occidental à s'y attaquer pour le Ballet royal du Danemark, propose sa version en 1955, puis John Cranko trois ans plus tard. En 1965, Kenneth MacMillan met en scène Rudolf Noureev et Margot Fonteyn dans les rôles-titres : son ballet est toujours au répertoire du Royal ballet de Londres. Bascule de vie, Rudolf Noureev, passé chorégraphe, ramasse la donne en 1984 dans les décors d'Ezio Frigerio, à l'Opéra de Paris. Sur le versant contemporain, Angelin Preljocaj, Jean-Claude Gallotta (sur une musique de Serge Houppin et Henry Torgue), Jean-Christophe Maillot, Thierry Malandain (sur Berlioz également)... se sont confrontés à cette increvable tragédie amoureuse.

Née à Karlsruhe en 1963, Sasha Waltz possède une formation chorégraphique solide. En Allemagne d'abord, puis à Amsterdam, enfin à New-York, elle se confronte à différents apprentissages. Dès 1991, installée à Berlin, elle chorégraphie ses premières pièces. Son geste chorégraphique est dense, musclé. Sa danse, toujours charpentée, sait se couler dans des pyramides ou des ponts de chair.

On découvre Sasha Waltz à l'Arsenal, à Metz, en 1999. Elle y présente Allee der Kosmonauten (1996), BD loufoque, entre chronique prolétaire et sitcom chorégraphique, dans laquelle elle évoque la vie d'un immeuble dans la banlieue berlinoise. La suite court vite. Co-directrice de la Schaubühne de Berlin avec le metteur en scène Thomas Ostermeïer de 2000 à 2004, elle impose son inspiration éclectique.  Zweiland (1997) coupe le plateau en deux pour évoquer les deux Allemagnes (voir la vidéo) ; Na Zemlje (1998) le plonge dans la boue d'un village dévasté par des pulsions cruelles. Sa trilogie autour du corps, composée de Körper (2000), S. (2001), puis noBody (2002) (voir la vidéo), décline en trois chapitres les motifs du corps, de la sexualité et de l'immatérialité. Aux côtés de sa grande aînée Pina Bausch, de William Forsythe, basé à Francfort, Sasha Waltz, dont les spectacles sont régulièrement programmés au Théâtre de la Ville, à Paris, a imposé une danse théâtrale acérée sur des thèmes coriaces. Depuis 2004, elle est revenue à un statut de chorégraphe indépendante comme à ses débuts en 1993. Elle a investi, toujours soutenue par Jochen Sandig, son mari et dramaturge, un nouveau lieu superbe, le Radialsystem V, Space for arts ans ideas, ancienne friche industrielle convertie en lieu de productions et de spectacles, à Berlin.

Rosita Boisseau

Transcription

Présentateur
Une nouvelle version de Roméo et Juliette à l’Opéra Bastille, mi-opéra, mi-ballet, le tout sur une musique de Berlioz ; une centaine d’artistes sur scène pour une rencontre entre classique et contemporain. Abdel Mostefa, Mathias Second.
(Musique)
Journaliste
Roméo se prépare à souffrir, parce que c’est le destin que lui a choisi Shakespeare, ça ne se discute pas. Pareil pour Juliette, elle a le sourire mais sa famille n’acceptera jamais son mariage avec Roméo et ça se terminera dans le sang. Donc, puisque tout est écrit d’avance depuis des siècles, comment faire pour raviver la flamme des spectateurs ? Et bien, on danse pour la première fois sur la partition de Berlioz, on fait monter le chœur de l’opéra sur scène avec les danseurs. Et pour diriger cette superproduction, on fait appel à une chorégraphe contemporaine audacieuse.
(Musique)
Sasha Waltz
Pendant longtemps, j’ai hésité à dire oui mais en fin de compte, c’est une proposition tellement géniale, c’est un énorme pari.
(Musique)
Journaliste
Tout ça paraît simple et limpide. Mais c’est un pari aussi pour ces danseurs étoiles, loin, très loin d’un Roméo et Juliette version classique avec pointe où l’on respecte une chorégraphie codifiée. Pour arriver à cet autre résultat-là, il a fallu se lancer dans des improvisations, à la demande de la chorégraphe.
Hervé Moreau
C’est un peu déroutant au début parce que c’est vrai qu’on n’a pas trop l’habitude, nous, en tant que danseurs classiques, d’improviser comme ça, à la demande.
(Musique)
Aurélie Dupont
Quand vous réussissez à retirer tous vos complexes, et à vous dire, ben, finalement, je m’en fous que ce soit moche ou beau ce que je fais, ben, à ce moment-là, votre impro, elle prend forme.
(Musique)
Journaliste
Au final, c’est parfois bizarre, mais beau.
(Musique)
Journaliste
C’est parfois pesant, mais beau. En fait, c’est tout sauf moche et ça rend la mort des amants de Vérone bien plus acceptable.