Pina Bausch et Le laveur de vitre

06 juillet 2000
02m 45s
Réf. 00865

Notice

Résumé :

L'édition 2000 du Festival d'Avignon a mis à l'honneur la chorégraphe Pina Bausch avec Le Laveur de Vitres inspiré par un séjour de travail à Honk Kong. Scènes de répétitions et quelques phrases d'interprètes dont la danseuse Nazareth Panadero.

Date de diffusion :
06 juillet 2000
Source :
FR3 (Collection: Soir 3 )

Éclairage

Etre programmé à la Cour d'Honneur du Palais des Papes, à Avignon, n'est pas une mince affaire. La confrontation avec cet espace-monstre, parfois balayé par un mistral glacial, s'il vaut évidemment comme une reconnaissance de l'œuvre, ressemble aussi à une épreuve. Depuis la première apparition de Maurice Béjart en 1966, dix-neuf ans après la création du festival par Jean Vilar, la plupart des grands noms de la danse s'y sont confrontés. Roland Petit en 1972, Carolyn Carlson en 1975, Martha Graham en 1987, William Forsythe en 1991, Angelin Preljocaj en 1999... Dans cet espace «  trop informe » selon Vilar lui-même, devant 2000 spectateurs, la chorégraphe allemande Pina Bausch (1940-2009) a été programmée à plusieurs reprises. En 1983, elle plantait sur les 600 mètres carrés du plateau le champ d'œillets de Nelken (1982) (voir la vidéo), puis les recouvrait de terre en 1995 pour son Sacre du Printemps (1975). En 2000, elle y installe la montagne de fleurs du Laveur de Vitres (1997). Les pétales rouge vif de bauhinias (la fleur de Hong Kong) se dressent à l'assaut de la formidable muraille de ce haut lieu d'Avignon. Un peu disproportionnée au départ, cette masse vivante de fleurs finit par hypnotiser le spectateur. S'il ne restait de la scénographie conçue par Peter Pabst que l'amoncellement de fleurs et le personnage du laveur (sans sa nacelle !) se glissant le long de la muraille comme une ombre, l'essentiel de cette pièce joyeusement dynamique était conservé. Avec ses vingt-six danseurs, Laveur de Vitres , créé après une résidence de travail à Hong Kong, maintenait un tel taux d'euphorie et de beauté qu'il sortait rayonnant et vainqueur de cette confrontation avec la Cour d'honneur.

Les grands motifs esthétiques de la chorégraphe allemande y explosent de vigueur : la scène-paysage belle comme un morceau de nature, les solos virtuoses taillés sur mesure pour chacun des interprètes, les tableaux collectifs qui font danser tout le monde main dans la main, les fameux sketchs théâtraux, dont certains plutôt drôles, autour des thèmes de prédilection de Pina Bausch. La vie, l'amour, le couple, la solitude... Et cet humour, ce rire en douce, qui font courir un délicieux frisson de bonheur sur l'ensemble de la pièce. Pendant qu'Andrey Berezin ôte un par un ses vêtements à chaque fois qu'il passe entre deux femmes comme sous le portique de sécurité d'un aéroport, la masse de fleurs sert de piste de jeu, de ski, de bagarre, nimbant la pièce d'une aura magique. La bande-son, conçue par Mathias Bukert et composée comme souvent de chansons et mélodies très «  sono mondiale » fait aussi la part belle au jazz, à Cesaria Evora, aux percussions d'Inde et du Mexique...

Laveur de Vitres appartient à la veine joueuse et optimiste de Pina Bausch. Depuis le début des années 90, la chorégraphe a décidé de faire le pari du bonheur et du plaisir. Après des années de tensions sourdes, de violences sombres, elle choisit la légèreté. Suite à des invitations dans les capitales étrangères, elle va désormais chercher son inspiration en dehors de sa ville de Wuppertal (Allemagne). Pour mieux y revenir. Palerme est au cœur de Palermo Palermo (1989), Budapest est évoquée dans Wiesenland (2000) (voir la vidéo)... Puis ce sera le tour de Istanbul pour Nefes (2003), de Séoul pour Rough Cut (2005)... Chacune de ses créations résulte d'un séjour d'environ trois semaines dans la ville durant lequel Pina Bausch et ses danseurs collectent les matériaux chorégraphiques, thématiques, musicaux du spectacle. Ses résidences de travail lui donnent aussi l'occasion de rencontrer les artistes de chaque ville pour en capter l'originalité, le parfum. Qu'elle en restitue plus ou moins ensuite l'identité n'est pas une obligation tant Pina Bausch extrait de chacun de ses séjours la matière d'un autoportrait fantasmé. Lors de la création à Hong Kong, le public s'est enthousiasmé pour le spectacle. Y reconnaissait-il leur ville dans les courses fluides, l'énergie increvable ? Laveur de Vitres s'impose comme l'une des pièces les plus intenses de la chorégraphe allemande morte en juin 2009, à 68 ans. Il reste aussi l'un des moments forts de l'histoire de la danse dans la Cour d'honneur du Palais des Papes.

Rosita Boisseau

Transcription

Présentatrice
Levée de rideau à Avignon, le festival s’ouvre ce soir avec plus de 500 spectacles, in et off. En ce moment même, tous les regards sont rivés sur la scène de la Cour d’Honneur du Palais des Papes. Pina Bausch, la grande papesse de l’expressionisme allemand présente un spectacle de danse, Le laveur de vitres . Dominique Poncet et Jean-Marc Lalier ont assisté, hier, aux répétitions.
(Musique)
Dominique Poncet
Dansée par 26 artistes très différents, parce que venus du monde entier, Le laveur de vitres , la pièce que Pina Bausch a choisi de présenter en spectacle d’ouverture au Festival d’Avignon.
(Musique)
Dominique Poncet
En danse, dit Pina, on n’a pas besoin d’expliquer. Dans sa gestuelle si particulière, c’est pourtant elle qui va se mettre à nu et nous montrer tout de ses douleurs, comme de ses bonheurs.
(Musique)
Nazareth Panadero
C’est très fort émotionnellement, c’est autobiographique. On est avec toute notre personne, c’est pour ça, c’est inépuisable.
(Musique)
Dominique Poncet
Est-ce parce qu’ils évoluent à ciel ouvert et que ce soir, comme miraculeusement, il n’y a pas un souffle de vent ; en tout cas, les danseurs semblent prendre un plaisir infini.
(Musique)
Fernando Suels
Il y a beaucoup de mouvements où je dois regarder vers le haut et je tombe sur le ciel. Donc, c’est tout simplement beau.
(Musique)
Dominique Poncet
Pina se paye le luxe de faire danser un boogie assis.
(Musique)
Dominique Poncet
C’est une des nombreuses surprises de ce spectacle.
(Musique)
Nazareth Panadero
Bien sûr, c’était très, très bien avant mais je pense que c’est très bien que maintenant, c’est devenu plus doux.
(Musique)
Dominique Poncet
Hier soir, des spectateurs de la répétition générale ont ovationné ce Laveur de vitres qui les a fait, en 3 heure,s sans temps mort, tour à tour, rire et pleurer. Le festival d’Avignon débute vraiment sous les meilleurs auspices.
(Musique)