Pina Bausch et Masurca Fogo
Notice
Avec son Tanztheater Wuppertal, la chorégraphe allemande Pina Bausch, programmée comme toujours au Théâtre de la Ville, joue Masurca Fogo sous influence portugaise.
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Éclairage
Dans son tour du monde des grandes villes entrepris à la fin des années 80, Pina Bausch s'est posée en 1998 à Lisbonne (Portugal). Commande de l'Exposition de Lisbonne, Masurca Fogo raconte sa vision de la capitale portugaise. Pour l'occasion, le scénographe Peter Pabst a réalisé des films, captant la nature, l'océan, les animaux, des plantes, mais aussi des musiciens locaux en train de jouer. Ces images balayent le plateau, recouvrent les évolutions des danseurs en les nimbant d'atmosphères colorées. L'eau, souvent présente chez Pina Bausch, inonde le plateau pour des bains toujours merveilleusement enfantins et vivifiants. Une immense toile en plastique surgit pour la plus incroyable séance de pataugeoire. Rires et éclaboussements font de Masurca Fogo une bulle de vitamines. La vie circule sous toutes ses formes spectaculaires et intimes. Les interprètes, au nombre de dix-neuf, livrent quelques unes de leurs histoires personnelles, évoquent leur famille, leurs origines. Encore et toujours, les hommes et les femmes se cherchent, s'étreignent ou s'énervent. Encore et encore les solos, bijoux d'invention et de vitalité urgente, ciselés par la chorégraphe au plus près de l'identité de chacun de ses danseurs, se succèdent les uns aux autres comme autant de bouffées d'oxygène ou d'appels à l'aide. Des musiques du Cap-Vert, des fados d'Amalia Rodrigues évidemment, mais aussi des tangos, des chansons de K.D. Lang ou de Duke Ellington, électrisent l'air. Dans la seconde partie, Pina Bausch, comme elle le fait régulièrement dans ses pièces en deux volets, opère une sorte de remix de certaines scènes qu'elle reconduit dans une autre énergie, une autre couleur et entrechoque avec des images différentes. Dans les robes suprêmement féminines signées Marion Cito, Masurca Fogo appartient à la série de spectacles réalisés par Pina Bausch dans le cadre de séjours de création dans les grandes capitales européennes. C'est Viktor (1986), inspiré par Rome, puis Palermo Palermo (1989), conçu lors d'une résidence de travail à Palerme, qui amorce ce nouveau mode de travail. Une quinzaine de pièces liées à des villes vont voir le jour. Los Angeles a inspiré Nur du (1996), Hong Kong Le Laveur de vitres (1997), Budapest est évoquée dans Wiesenland (2000) (voir la vidéo)... Puis ce sera le tour de Istanbul pour Nefes (2003), de Séoul pour Rough Cut (2005)... Le dernier spectacle de la chorégraphe intitulé ...como el musguito en la piedra, ay si, si, si, a été conçu pendant un séjour au Chili. Pina Bausch est morte le 30 juin 2009, une dizaine de jours après l'avoir présenté à son public de Wuppertal (Allemagne).
Ce pan de création, tour de la planète chorégraphique vu à travers la lorgnette Pina et celle de ses danseurs, va sceller l'esthétique Pina Bausch pour nombre de spectateurs. Au regard de ses pièces des années 80 plus sombres, plus cruelles aussi, en particulier lorsqu'il s'agit d'évoquer les rapports hommes-femmes, ces productions, servies aussi par des danseurs plus jeunes, conservent les qualités profondes, humanistes, qui ont fait la réputation du Tanztheater. Ces parades de virtuosité et d'images, brodées de solos tous plus somptueux les uns que les autres, se colorent néanmoins aux lumières mondiales d'une planète qui se réduit comme peau de chagrin. L'identité esthétique de la chorégraphe prend d'ailleurs parfois un visage si divertissant que le public ne se retrouve plus dans ses œuvres plus anciennes. C'est ainsi qu'en 2007, lors de la reprise de Bandonéon, pièce somptueuse, d'une paradoxale modernité dans sa façon d'étirer le temps, de nombreux spectateurs ont quitté la salle du Théâtre de la Ville, à Paris. Pina Bausch toujours au top.