Georges Thill, le trac, et Werther
Notice
Au cours d'un « plateau » réunissant Emmanuel Bondeville, ancien Président de la RTLN, le chorégraphe Serge Lifar, et le journaliste Pierre Petit, Georges Thill, âgé de 80 ans, évoque le trac que peut ressentir un artiste face au public, puis réinvestit peu à peu le rôle de Werther de Massenet en écoutant son enregistrement discographique de 1931, qui permet de retrouver la voix exceptionnelle de celui qui fut, de 1925 à 1940, LE ténor français par excellence.
Éclairage
Si un ténor incarne le chant français, c'est bien Georges Thill (1897 - 1984) dont la carrière prestigieuse, concentrée sur quinze ans à l'Opéra de Paris - dirigé alors par Jacques Rouché - est rapidement saluée internationalement : aux Arènes de Vérone, à La Scala de Milan, au Colon de Buenos Aires, au Metropolitan de New York... mais plus encore en France, où sa popularité est digne de celle des vedettes du show-business aujourd'hui. Cette célébrité est due non seulement à la qualité de ses prestations musicales, mais aussi à sa prestance, et de ce fait à sa présence dans plusieurs films de cinéma (Chansons de Paris, Aux portes de Paris...), qui en font la coqueluche de la gent féminine.
Doté d'un aigu magnifique, et d'un timbre d'une grande masculinité, mais d'une voix instable et mal placée, c'est en Italie, auprès d'un autre très grand ténor, Fernando De Lucia, que le jeune chanteur, sorti mal diplômé du Conservatoire de Paris, va se perfectionner. Deux ans durant, il y apprend dans les principes même du bel canto, la maîtrise du souffle, le legato, une articulation exceptionnelle, et une émission débarrassée de la nasalisation trop typique du chant français traditionnel, qui rendent particulièrement remarquable son style et sa prosodie en français. Si bien que sitôt de retour en France, sa carrière se fait au tout premier plan.
Son répertoire à l'Opéra, où il entre aussitôt en 1924, comporte les grands rôles français signés Massenet (Athanael de Thaïs, avec lequel il fait ses débuts à Paris, Werther), Gounod (Faust et Roméo), Berlioz ( Enée des Troyens), Bizet (Don José de Carmen), Saint-Saëns (Samson), Gluck (Admete d'Alceste)... mais aussi italiens avec Verdi (Radames d'Aïda, le Duc de Mantoue de Rigoletto), et les véristes Puccini (Calaf de Turandot), Leoncavallo (Canio de Paillasse), Giordano (André Chénier) et surtout wagnériens (Lohengrin, Parsifal, Walther des Maîtres chanteurs de Nuremberg, et même Tannhäuser), dont témoignent ses nombreux enregistrements en disques, et aussi le célèbre film Louise d'Abel Gance. Il quitte la scène lyrique en 1940 avec un ultime Samson à l'Opéra, et se consacre encore 15 ans durant au concert, ne dédaignant pas d'y aborder l'opérette et les variétés, jusqu'à son concert d'adieux en mars 1956 au Châtelet.