Invasion du cinéma politique au Festival de Cannes 1982

26 mai 1982
03m 27s
Réf. 00223

Transcription

Christine Ockrent
Des lauriers et parfois un palmarès très politique et des prix judicieusement répartis. Le festival de Cannes s'est terminé, aujourd'hui. La palme d'or est attribuée ex aequo à un Grec et à un Turc. Le Grec : Costa Gavras pour son film "Missing" qui représentait les Etats-Unis, le Turc est Yilmaz Güney qui a conçu son film "Yol" alors qu'il était en prison. La Turquie vient, d'ailleurs, de demander une nouvelle fois, son extradition. Le maître italien, Antonioni, a reçu le prix du trente cinquième anniversaire pour son film "Identification d'une femme". Prix d'interprétation masculine, l'américain Jack Lemmon, interprétation féminine, la polonaise Jadwiga Jankowska-Cieslak. Voilà pour les distinctions essentielles. Mais ce qui demeurera de ce festival, comme le palmarès en témoigne, c'est l'invasion du cinéma par l'actualité. Cette année, 60 % des films présentés traitaient de sujets que l'information nourrit tous les jours, à commencer par la guerre. Serge Richez.
Serge Richez
Ici, en effet, il ne se passe pas quelques heures sans que l'actualité internationale ne soit à l'affiche. Bien sûr, il y a eu "Yol" du Turc Guney, menacé tous les jours par les autorités de son pays, et "Missing". Ici, une autre fiction qui témoigne de l'attitude d'un groupe d'adolescents face au problème de l'Ulster. Première caractéristique : tous ses films privilégient la vie quotidienne durant la guerre. Deuxième caractéristique : à chaque fois, une étonnante rencontre entre le travail romanesque du réalisateur et une actualité qui vient s'intégrer à son projet.
Gérard Martin
On a commencé le jour de la mort de Bobby Sands et on est parti au moment où le dixième gréviste de l'affaire mourrait. Et à ce moment-là, comme vous le savez, il y avait des reporters de différentes télévisions qui payaient des jeunes pour aller balancer des cocktails molotov etc. et on est très loin de ça.
Serge Richez
Même cause, même effet. Jerzy Skolimowski. Décembre 1981, alors qu'il est en train de rédiger un nouveau scénario, en Pologne, le syndicat Solidarité est dissout. Skolimowsky arrête brutalement la préparation de son film et écrit "Moonlighting". " Je voulais visualiser immédiatement le choc émotionnel que j'avais ressenti ", dit-il. Loin des fastes bruyants des terrasses de la croisette, enfin, voici un jeune réalisateur libanais, en compagnie de son actrice principale. Il va présenter son premier long métrage. Thème : la guerre du Liban. Même discours, même désir : éviter le spectaculaire.
Maroun Baghdadi
Aujourd'hui, au Liban, il faut renverser les images de la guerre, je crois. Il faut les renverser en montrant davantage le vécu des gens, et que ce qui doit être intéressant, ce n'est pas uniquement un immeuble détruit ou une bombe qui explose. Il faut davantage s'intéresser aux Libanais. Que sont devenus les libanais pendant toute cette guerre ? Que deviennent les gens ? Comment vivent-ils ? Il y a un peuple, quand même.
Serge Richez
Le titre de son film : "Petites guerres". Titre ironique, bien sûr.
Interviewer
[Libanais]
Serge Richez
"Petites guerres" évoque, à travers l'itinéraire quotidien de trois adolescents, sept ans de guerre au Liban, sept ans de survie. Dans quelques jours, après Cannes, pour l'actrice principale de ce film, ce sera à nouveau Beyrouth et la guerre. Elle va retourner dans son pays.