Robert Chazal, membre du Jury du Festival 1981

25 mai 1981
03m 47s
Réf. 00429

Notice

Résumé :

Le critique cinéma de France-Soir Robert Chazal parle de son rôle de membre du jury du 34ème Festival de Cannes, et de son métier en général.

Type de média :
Date de diffusion :
25 mai 1981
Source :

Transcription

Philippe Bouvard
Le juré, c'est aujourd'hui Robert Chazal. Critique, encore plus redouté le reste du temps. Est-ce qu'on a trouvé cette façon de vous rendre muet ?
Robert Chazal
Non. D'abord, je peux parler quand même d'autres films mais pour la compétition, on m'a rendu muet. C'est très, très douloureux.
Philippe Bouvard
Donc si on a voulu que vous ne puissiez pas écrire une ligne sur ce festival, on ne s'y serait pas pris autrement.
Robert Chazal
Exactement. Alors, vous voyez quelle malice vous croyez.
Philippe Bouvard
Non, je ne crois pas. Je crois simplement qu'on sait que vous aimez le cinéma (ce qui n'est pas le cas de tous vos confrères),...
Robert Chazal
C'est vrai.
Philippe Bouvard
... que vous l'aimez sincèrement.
Robert Chazal
Ce qui n'est pas le cas de tous mes confrères.
Philippe Bouvard
Et, on s'est dit que vous jugeriez le cinéma en homme qui l'aime. Bon, ça c'est une garantie pour tous ceux qui ont des films en compétition mais est-ce que ce n'est pas frustrant pour le journaliste de ne pas pouvoir donner son opinion ?
Robert Chazal
Très, très, très frustrant. On m'avait proposé depuis longtemps de faire partie du jury, j'avais toujours refusé sans savoir exactement pourquoi d'ailleurs. Maintenant, j'ai compris pourquoi je refusais. J'avais raison et j'ai hâte que celui-là finisse et j'ai hâte d'être au prochain pour pouvoir reprendre mon activité normale.
Philippe Bouvard
Alors, on peut se demander si vos critères de jugement lorsque vous êtes juré sont différents des critères de jugement que vous utilisez lorsque vous êtes critique. Quand vous êtes critique, bon, vous êtes critique d'un grand journal du soir. Votre succès vient sans doute du fait que vous avez à peu près le même goût que vos lecteurs ou que vos lecteurs ont le même...
Robert Chazal
J'ai le même goût.
Philippe Bouvard
... que vous mais, là, ce ne sont plus les mêmes impératifs.
Robert Chazal
Non, mais ce n'est pas du tout la même façon de juger : les bons films restent les bons films et les mauvais restent les mauvais. Mais c'est vrai que ce n'est pas du tout la même façon de juger, que le recul que donne la chose écrite n'existe plus et que finalement mon jugement va être confronté immédiatement avec celui des autres membres du jury et que la gymnastique d'esprit est un peu différente. C'est un peu comme si j'ai discuté avec chaque lecteur (ce n'est pas mal d'ailleurs comme entraînement) mais, si vous voulez, on a besoin davantage d'arguments pour discuter avec les membres du jury que dans une critique. Au fond faire un palmarès, c'est beaucoup plus long que de faire une critique d'un film (c'est vrai).
Philippe Bouvard
En puis, vous savez que les films que vous êtes appelé à juger (éventuellement, à couronner) sont destinés à tous les publics et plus seulement au public que constituent vos lecteurs.
Robert Chazal
Mais, alors, dans mon cas particulier, l'éventail des lecteurs est tel qu'il n'y a pas de différence et puis, de toute façon, si on écrit pour des gens bien définis, le palmarès se fait aussi en fonction de certains critères. Enfin, ce ne sont pas les mêmes mais il y a toujours, disons, des jalons.
Philippe Bouvard
Est-ce que la vieille légende selon laquelle les jurés sont victimes de pression se vérifie à l'usage ?
Robert Chazal
Eh bien, écoutez, je ne sais pas. Je ne m'en rends pas compte parce que je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer qui que ce soit qui fait pression sur moi.
Philippe Bouvard
Est-ce qu'il y a des gens par exemple qui sont plus aimables avec vous que d'habitude ?
Robert Chazal
Non au contraire, au contraire. Personne ne me parle parce qu'on a commencé à me parler. J'ai envoyé balader tout le monde en disant que je ne peux pas parler. Je vois beaucoup moins de gens que les années précédentes.
Philippe Bouvard
Et, vous voyez peut-être moins de films que d'habitude quand vous êtes à Paris ?
Robert Chazal
Non, non, non. Je vois toujours autant de films ici cette année que les années précédentes et j'en vois plus qu'à Paris parce que, à Paris, je suis au régime de dix films par semaine et, là, cinq par jour. Alors, vous voyez, quelle différence !
Philippe Bouvard
Dix films par semaine ! Même quand on aime ça, c'est beaucoup.
Robert Chazal
Non. D'abord, c'est mon métier et ensuite, les films sont toujours créés différemment. Il n'y a pas d'accoutumance.
Philippe Bouvard
Est-ce qu'il vous arrive de revoir un film pour votre plaisir ?
Robert Chazal
Oh oui, souvent.
Philippe Bouvard
Oui, en plus des dix que vous voyez hebdomadairement ?
Robert Chazal
Oui. Si vous voulez, " West side story " qui est sorti récemment à Paris, je suis retourné le revoir (ça devait être la 10 ou 12ème fois).
Philippe Bouvard
Ah là, je tire mon chapeau oui.
Robert Chazal
Non, c'est au film qu'il faut tirer le chapeau.