Nam Dinh et le delta du fleuve rouge
Notice
Mise en état de défense du delta tonkinois (fleuve Rouge) par le génie militaire.
Éclairage
Ce sujet des Actualités cinématographiques françaises est exemplaire du discours assuré/rassurant tenu par le média audiovisuel sur la lointaine guerre d'Indochine. Destiné aux Français de Métropole, il met l'accent sur Nam Dinh, « position clef du dispositif de défense français au Nord-Vietnam », ville au positionnement stratégique, située sur le delta du fleuve rouge.
Véritable outil de propagande, ce journal en images animées justifie l'engagement militaire français en Asie du Sud-Est au moyen de trois arguments majeurs. Tout d'abord, l'identité culturelle de la région incarnée à l'écran par des plans insistant sur l'église. Ces plans prouvent non seulement la conversion du lieu et de ses habitants, mais pose également une très grande proximité, bien que symbolique, entre la France et l'Indochine - renforçant ainsi la légitimité de la présence et des combats des soldats français. La nature même de ces soldats fait l'objet d'un deuxième focus puisque tant le commentaire que le montage insistent sur la présence massive des locaux pour assurer la sécurité de la zone. Ce sujet offre ainsi une excellente illustration (bien qu'involontaire) de ce que Frantz Fanon désignera quelques années plus tard dans Peau noire, masques blancs comme la répartition raciale de la culpabilité. Ce sont des « partisans loyalistes tonkinois » qui surveillent les Prisonniers Internés Militaires (PIM) lors des travaux de reconstruction. Pendant que des Vietnamiens alliés gardent des Vietnamiens ennemis, prouvant ainsi leur soutien à l'implantation française dans la région, les troupes métropolitaines peuvent se livrer à des opérations de maintien de l'ordre spectaculaires, mais dans lesquelles on n'aperçoit soudain plus un seul autochtone, ni partisan, ni vietminh. Sur des bruitages de tirs et l'arrivée d'une musique extra-diégétique conquérante, le sujet s'achève avec cette troisième gamme d'images glorieuses, quelques plans de fortins reculés fièrement défendus puis l'apparition redoutables de ces « crabes », engins amphibies capables de se déplacer sur la terre boueuse comme dans les marécages du delta, qui envahissent l'écran et s'enfoncent dans la profondeur de l'image pour mieux prouver leur prise de position et leur force de frappe.