Echange de prisonniers à Mai Thon (Annam) [muet]

14 juillet 1954
04m 53s
Réf. 01054

Notice

Résumé :

[Document muet] Echange de prisonniers blessés et malades entre l'armée franco-vietnamienne et l'APVN (Armée Populaire Viêtnamienne), à Mai Thon (appelé aussi Thanh Hoa) en Annam.

Type de média :
Date de diffusion :
14 juillet 1954
Personnalité(s) :
Lieux :

Éclairage

Ce document non diffusé, muet, fait partie des plus méconnues des archives sur la guerre d'Indochine, sans doute parce que les images des prisonniers de retour des camps vietminh après la reddition de Diên Biên Phu et quelques mois de captivité (7 mai-14 juillet 1954) étaient et restent une vision humainement et idéologiquement difficile du conflit pour un public français.

Le bout-à-bout se décompose en deux temps : tout d'abord le retour de cent prisonniers vietminh, puis celui de cent prisonniers français, faits à Diên Biên Phu.

En toute logique, le reportage commence donc du côté français avec l'embarquement des prisonniers vietminh sur un bâtiment aux couleurs de la France et de la Croix-Rouge. Quelques plans montrent la vie à bord : un panoramique en plan large tourné en plongée s'attarde sur un alignement de lit de camp sur lesquels se reposent quelques prisonniers, pendant que d'autres se préparent un repas de fortune sur le pont sous le regard du photographe militaire René Adrian.

Bo doi [1] et militaires français se retrouvent ensuite sur une plage de Mai Thon (Thanh Hoa) pour procéder à l'échange (cf. accords de Genève et de Trung Gia, voir les documents Ouverture de la conférence de Genève et Evacuation des populations civiles de Hanoï). L'opérateur prend également soin de filmer les familles qui attendent le retour des leurs et les acclament à leur arrivée. On note en particulier une barque dans laquelle les prisonniers vietminh lèvent en cadence le bras comme pour mieux marteler un slogan. Le rythme de leurs mouvements laisse penser que ces hommes crient le mot d'ordre de l'opposition vietminh : « Doc Lap » ("Indépendance").

La seconde partie du document sert de pendant à ce retour des prisonniers vietminh et traite des prisonniers français (les premiers cessant d'être filmés au moment où les seconds intègrent le champ des caméras). D'autres images peuvent exister des prisonniers français du vietminh (Prisonniers français), mais elles ont été tournées par des cameramen soviétiques ou vietnamiens.

Il est intéressant de souligner qu'alors qu'il s'agit d'un document brut, non monté, la mise en scène de l'opérateur relève d'une volonté d'accentuer le parallélisme entre les deux situations sans pouvoir se départir d'une plus grande proximité à l'égard des Français. En effet, le reporter choisit dans les deux cas de filmer les hommes en train de fumer, de boire et de manger, dans les deux cas, il saisit les enfilades de lits de camps, mais là où il filme les Vietnamiens en plan large, il s'attarde sur des plans plus serrés pour les Français, mettant en évidence les corps décharnés, les côtes saillantes, les regards perdus à l'horizon. Victimes des maladies tropicales, du climat, de la malnutrition, de la fatigue, atteints moralement par la défaite sans doute aussi, l'état des prisonniers français est bien plus saisissant comme le prouve leur démarche difficile, leurs uniformes trop amples.

On remarque à leurs côtés la présence de la journaliste Brigitte Friang qui plus tard accompagne Pierre Schoendoerffer comme assistante de production pendant le tournage au Cambodge de La 317e Section (1965). Schoendoerffer, lui aussi fait prisonnier à Diên Biên Phu, n'est pas sur ces images, mais elles le hantent longtemps, le spectateur attentif pourra même déceler deux plans issus de ces rushes militaires que le cinéaste reprend à des années d'écart pour illustrer le retour de captivité dans Le Crabe-tambour (1977) et Là-haut, un roi au-dessus des nuages (2004) : celui d'un bo doï de dos supervisant depuis la plage l'embarquement des prisonniers français et celui, plus contemplatif, d'un sampan au loin traversant la baie de droite à gauche. Schoendoerffer ne s'est jamais résolu à mettre en image son expérience des camps vietminh. Ces plans authentiques illustrant la distance du regard étaient sans doute pour lui l'expression d'un témoignage indicible.

[1] Bo doi : soldat des unités du Viet Minh

Delphine Robic-Diaz