Les rapatriés d'Algérie
Notice
Les accords d'Evian (18 mars 1962) scellent la fin de la guerre d'Algérie. Mais ils ouvrent une nouvelle crise : l'exode des européens d'Algérie. Ceux-ci sont interrogés sur leurs conditions de départ pour la métropole et leurs espoirs quant à l'évolution de la situation en Algérie.
Éclairage
Avec la signature des Accords d'Evian (18 mars 1962), le ciel tombe sur la tête des Français d'Algérie. La situation y est très tendue, à cause des exactions du FLN envers la communauté européenne et les harkis, mais également à cause de la politique de la "terre brûlée" de l'OAS, et enfin, à cause de l'attitude parfois belliqueuse des troupes françaises chargées du maintien de l'ordre jusqu'à l'indépendance. Attentats et tueries sont omniprésents. Les camps se radicalisent. Le 8 avril, de Gaulle obtient l'absolution des accords d'Evian par référendum. Pour nombre de pieds-noirs, c'est un tournant ; même si les accords d'Evian prévoient qu'ils pourront demeurer en Algérie, il apparaît au plus grand nombre impossible de rester dans un pays qui va passer aux mains du GPRA et prendre le tournant du socialisme.
De fin mars à mai, 200 000 personnes quittent leur sol natal, avec pour tout bagage quelques valises. À Paris, on croit à un exode temporaire, persuadé que la plupart des rapatriés vont demander la nationalité algérienne. Erreur. En juin, les frontières algériennes s'ouvrent aux soldats de l'ALN cantonnés en Tunisie et au Maroc, et 355 000 nouveaux rapatriés débarquent en France, par avion ou par bateau. Après le vote de l'indépendance en Algérie (1er juillet), tandis qu'on découvre l'amplitude des représailles nationalistes contre la communauté européenne (1 800 disparus entre mars et décembre 1962), le mouvement s'amplifie.
La crise est profonde : à cause du nombre de rapatriés que la métropole va devoir "intégrer" (près d'un million, 80 000 préférant l'étranger), mais aussi à cause du sentiment généralement hostile des hexagonaux à l'égard de ces ni Français ni Algériens, dont de Gaulle lui-même jugeait qu'ils étaient les premiers responsables de leur sort.
Ce reportage diffusé au journal télévisé de 13 heures insiste sur le traumatisme du rapatriement. À partir d'une scène filmée dans l'aéroport de Marseille-Marignane, il pose le problème des conditions de départ. Le commentaire de la première personne interviewée sur l'attente à l'aérodrome d'Alger devient le support sonore d'images filmées près de l'aérodrome d'Alger.
En Algérie comme à Marseille, le reportage insiste notamment sur les enfants obligés de patienter dans des conditions indignes de leur âge (attente en plein soleil). Quoique les visages de soldats souriant apaisent passagèrement l'ambiance, les images algériennes symbolisent surtout, in fine, l'idée d'un exode et de camps de transit (barbelés) rappelant d'autres âges. Le sujet se clôt à Marseille sur une note sensible : une femme évoque le caractère "affreux" de ce rapatriement (arrachement à une terre natale) et souligne que la situation en Algérie, tant pour les Européens que pour les musulmans, est mauvaise. Du reste, elle ne semble pas encore croire - bien que les Français aient avalisé les Accords d'Evian un mois plus tôt - au caractère irrévocable de sa fuite... "Si vraiment, si vraiment il y avait l'indépendance... C'est impossible d'y retourner."
Au total, ce reportage très factuel et sans grande perspective montre bien que la France de mai 1962, quoique préoccupée par la question des rapatriés, n'a pas encore pris la pleine mesure du problème pied-noir.