L'attentat de la rue d'Isly à Alger
Notice
Retour sur une semaine mouvementée au cours de laquelle un attentat rue d'Isly à Alger a fait plusieurs morts.
- Conflits et tensions > Troubles intérieurs > Attentats, terrorisme
- Relations internationales > Accord international > Cessez-le-feu
- Relations internationales > Accord international > Indépendance
- Vie politique > Crise politique > Coup d'Etat
- Vie politique > Partis et mouvements politiques > Partisans de l'Algérie française > OAS
Éclairage
Entre mi-mars et début avril 1962, le territoire algérien est le théâtre de nombreux actes de violence qui font suite au cessez-le feu annoncé le 18 mars 1962 par le général de Gaulle et qui prend effet le lendemain. Or, dans la matinée du 23 mars, précisément dans le quartier européen de Bab El-Oued, sept appelés du contingent sont désarmés par des membres de l'OAS tandis qu'une fusillade s'engage faisant plusieurs morts et blessés au sein d'une patrouille des forces de l'ordre. Après d'autres incidents l'après-midi de ce même jour, les forces de l'ordre et l'armée encerclent la zone. Ce à quoi l'OAS réplique en appelant à une grève générale et à une manifestation qui doit passer par l'entrée de la rue d'Isly. Le 26 mars, un barrage est dressé en ce lieu ; il est tenu par des hommes du 4e Régiment de Tirailleurs. Mais lorsque des manifestants tentent de le forcer, des coups de feu éclatent et une riposte s'engage faisant des victimes dont le nombre est, aujourd'hui encore, objet de désaccords.
Pourtant, dans son allocution du 26 mars, le général tait cet événement. En revanche, il annonce la tenue d'un référendum qui se déroulera le 8 avril 1962 et qui doit trancher sur les modalités des relations entre la métropole et l'Algérie.
Au cours de cette même période, l'OAS connaît un revers de fortune : le 25 mars, Edmond Jouhaud est arrêté, et le 26, commence le procès de deux des responsables de l'assassinat du fonctionnaire Roger Gavoury. Albert Dovecar et Claude Piegts seront condamnés à mort et exécutés en juin 1962. Enfin, l'arrestation de Roger Degueldre, le 7 avril, représente elle aussi un coup dur pour l'OAS.
Diffusé au journal télévisé six jours après les faits rapportés, le bilan des événements de la semaine présente de l'Algérie une vision édulcorée dont la conclusion apaisée, montrant des enfants jouant dans les rues d'Alger, laisse entendre qu'on assisterait à une reprise de « la vie normale ». De ce point de vue, l'exemple du traitement des événements meurtriers de la rue d'Isly est significatif. En ce 1er avril 1962, rien n'est dit de la responsabilité supposée des forces de l'ordre françaises et peu d'images sont montrées. Les faits sont encadrés par le discours du général de Gaulle qui annonce le référendum du 8 avril, et le commentaire tranchant de Christian Fouchet qui enjoint les Français d'Algérie à prendre de la distance avec les fauteurs de trouble. De la sorte, les faits semblent ne faire l'objet d'aucune interrogation.
D'ailleurs, si la censure s'est exercée sur les journalistes français, c'est justement pour éviter de remettre en cause la légitimité de l'État. En effet, ce n'est que le 6 septembre 1963, à l'occasion d'une rétrospective présentée par Cinq colonnes à la une, que des images inédites de la guerre d'Algérie sont dévoilées dont celles de la rue d'Isly. Filmées par Roger Duval, elles montrent alors la panique de la foule mais aussi celle des soldats. Elles montrent aussi, en gros plan, des blessés ou des plaques de sang sur la chaussée.
Et pourtant, le jour même des faits, à 20 h sur Inter Actualités, l'envoyé spécial Claude Joubert avait raconté l'événement, expliquant à son sujet qu'il ne faisait que retracer les faits « simplement, tels [qu'il] les [avait] vus ». Avant que la censure ne s'exerce, le journaliste avait donc pu parler de la foule présente, du barrage, des tirs des soldats « qui saturent les microphones ». Ainsi la radio avait-elle pu jouer un rôle d'information, ce que n'a pu faire – en France tout au moins – que plus tardivement la télévision.