Comment l'Algérie a vécu la première semaine d'indépendance
Notice
Reportage sur la première semaine d'indépendance en Algérie ; les fêtes d'indépendance à Alger et les attentats d'Oran.
Éclairage
Le 2 juillet 1962, un référendum est organisé en Algérie au sujet de l'indépendance. La réponse à la question « Voulez-vous que l'Algérie devienne un État indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 ? » est « oui » à 99,72 %. Deux jours plus tard, le 3 juillet, la France reconnaît l'indépendance du peuple algérien et procède pour cela au transfert des pouvoirs de souveraineté. L'indépendance est donc proclamée le 5 juillet et c'est Jean-Marcel Jeanneney, nommé ambassadeur de France en Algérie, qui, depuis la cité administrative du Rocher Noir, assure la transition. Le 6 juillet, son premier geste consiste à présenter ses lettres de créance à Abderrahmane Farès, président de l'exécutif provisoire.
Dans les villes, des foules en liesse descendent dans les rues pour fêter un moment qui met fin à cent trente-deux ans de colonisation. À Alger, des représentants du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) – dont Benyoucef Benkhedda, alors président, et Krim Belkacem, vice-président et ministre de l'Intérieur – se présentent à la foule. Mais l'absence d'Ahmed Ben Bella, resté au Caire, témoigne des tensions au sein du Gouvernement provisoire et du FLN et constitue une préfiguration des problèmes à venir. En effet, ce dernier – qui conteste la légitimité du GPRA – s'emploiera, dans les semaines suivantes, à conquérir le pouvoir.
Hormis les problèmes politiques que pose la mise en place du gouvernement algérien, la violence entre communautés connaît une tragique exacerbation à Oran, ville qui sera le témoin de l'enlèvement et de l'assassinat de nombreux civils européens. Le jour même de l'indépendance, ceux-ci sont victimes – ainsi que les musulmans accusés de leur être favorables – d'un lynchage et d'une course à l'homme que les forces armées françaises, dirigées par le général Katz, n'ont pas empêché ou trop tardivement.
Qu'il s'agisse du nombre des victimes, des causes et responsabilités de la tuerie (coup monté, acte délibéré, surenchère ?), du rôle de l'armée française et de la nature des ordres ou non-ordres qu'elle aurait reçus, beaucoup reste à préciser et fait de cet événement un moment de crispation dans la mémoire des groupes concernés.
Si les images diffusées à la télévision française le 11 juillet 1962 ne taisent pas les violences et problèmes que connaît l'Algérie au moment de l'indépendance, elles en édulcorent la gravité et en taisent les responsabilités supposées. La désorganisation, voire la panique, apparaissent à l'image mais le constat de massacre en est chassé au profit d'une interprétation qui, d'une certaine façon, privilégie l'idée de bavure. Le commentateur évoque les coups de feu sans plus de précisions à leur sujet et parle d'une centaine de victimes et d'un chiffre équivalent de blessés. Mais il ajoute que musulmans et Européens seraient également touchés, un discours propre à empêcher les prises de position haineuses ou les velléités de vengeance.
La télévision reste donc sous contrôle et, de ce fait, se doit d'accompagner les choix du gouvernement français et de laisser dans l'ombre ce qui pourrait entacher la version selon laquelle ce dernier a su faire preuve d'anticipation.