L'opération "Jumelles"et le commando Georges
Notice
Reportage auprès d'une unité combattante, le PC Artois, en Kabylie (vallée de la Soummam) où se déroule l'opération "Jumelles" dont le but est de réduire le FLN sur le plan militaire.
Éclairage
Le 21 juillet 1959, le général Challe (1905-1979), général d'armée aérienne, déclenche une opération de grande envergure qui a pour objectif d'anéantir l'Armée de libération nationale (ALN) en l'empêchant de se fixer en des territoires particuliers. Intitulée opération « Jumelles », elle s'attaque à la petite et la grande Kabylie, avec un renfort d'hommes et de munitions. Elle prend place dans ce vaste ensemble stratégique que représente le plan Challe, commencé en février 1959. Elle prend donc le relais d'opérations qui l'ont précédée : l'opération « Courroie », dans l'Algérois et l'Ouarsenis, le sud de l'Oranais et l'opération « Étincelle » dans le massif du Hodna. Elle se déroule jusqu'à la fin du mois d'octobre et elle est suivie d'une série d'autres opérations. Enfin, elle s'appuie sur la création de commandos de chasse largement composés de supplétifs algériens.
Si le plan Challe porte un coup sévère à l'ALN en démantelant ses unités et en réduisant ses effectifs, il n'empêche pas sa réorganisation. En effet, cette dernière met en place de petites unités dont certaines réinvestissent les zones pacifiées et les villes. Toutefois, le plan Challe conduit des officiers de la wilaya IV (zone de l'Algérois) dont son chef Si Salah à envisager des négociations.
Au vu de ces circonstances, le rappel du général Challe à Paris en 1960 par le général de Gaulle est considéré comme une trahison par ce dernier mais aussi par ses proches. En fait, il résulte d'un désaccord quant aux solutions pouvant mettre fin au conflit. Si le général Challe considère que la guerre peut être gagnée par les armes, le général de Gaulle croit en la négociation politique. Un désaccord qui conduit le général Challe à entrer en clandestinité.
Entre le 9 janvier 1959, date de diffusion de la première édition de Cinq colonnes à la une, et le 2 octobre 1959, date de ce numéro intitulé « L'Algérie des combats », le magazine a gagné en aisance. La narration est moins pesante, la mise en scène plus fluide. Et si le récit des événements paraît moins écrit qu'il ne l'était quelques mois plus tôt, il s'apparente aussi à un récit cinématographique. Probablement doit-on voir en ceci un effet des professionnels ici impliqués, Pierre Schoendoerffer et Jean Lartéguy. Romancier, réalisateur, scénariste, le premier commence à réaliser des films en 1958 et 1959, à l'époque même où il réalise ce reportage. Romancier, journaliste, le second a couvert plusieurs conflits comme correspondant de guerre et, en 1960, il fait paraître Les Centurions, un roman sur les guerres d'Indochine et d'Algérie, envisagées à travers les itinéraires et choix contrastés de deux amis parachutistes.
Si la mort est absente de ce reportage qui se déroule en Kabylie, le danger est néanmoins intégré au récit de cette opération « Jumelles ». Il a coûté une blessure à un soldat du contingent, filmé lors de son transfert sur une civière, et commentant plusieurs jours plus tard les images le concernant. Une séquence qui rappelle celle mettant en scène le sergent Robert et dont le téléspectateur avait vu le visage le 9 janvier 1959 mais qui était, pour sa part, resté indemne lors des opérations. Comme pour le sergent Robert, c'est à la mise en scène d'un faux direct qu'il est fait appel et qui donne à croire que le soldat, depuis le lieu où il est filmé, commente le soir même de la diffusion du reportage, les images de l'accrochage dont il fut victime. En outre, ces deux reportages de Cinq colonnes ont pour particularité de personnaliser des lieux, des faits, des causes. Une caractéristique présente aussi dans la séquence où sont interrogés les hommes du commando Georges, un commando créé l'année même du reportage par le lieutenant Georges Grillot et composé d'anciens membres du FLN et de l'ALN.
Enfin, en concluant par les propos du général Bigeard sur la liberté dont ce dernier est convaincu qu'elle est au cœur de leur combat, c'est la représentation d'une guerre conduite par des hommes déterminés – véhéments même – qui est donnée à voir. Une guerre dont on ne peut sortir que victorieux...